EPEP : Le vieux serpent de mer libéral est de retour !

jeudi 21 janvier 2016

Fin novembre, deux inspectrices générales ont remis un rapport à la ministre, sur l’organisation de l’enseignement primaire. Elles y dénoncent l’inadaptation de la circonscription
du premier degré, premier échelon de la hiérarchie. Elles préconisent de la supprimer purement et simplement pour la remplacer par des EPEP (Etablissements Publics
d’Enseignement Primaire).

Petit rappel

L’idée n’est pas neuve, puisqu’elle fut lancée par Jack Lang, reprise dans les rapports Thélot puis Camdessus, ils apparaissent dans la loi de décentralisation de 2004, et sont
officiellement mis en chantier en 2007, sous forme d’expérimentation locale, en zone rurale et en ZEP (Nogent-sur-Marne, par exemple). Car chaque fois qu’il a été question de cette « réforme » libérale, le monde enseignant s’y est massivement opposé. En effet, le ton est donné dès l’article premier du décret : soumettre l’action pédagogique des écoles
primaires aux impératifs gestionnaires, en transformant le conseil d’école en Conseil d’Administration, composé majoritairement d’élus. Ce CA bénéficiait de transferts de
compétences (y compris pédagogiques) aux élus locaux, le pouvoir est donné au directeur d’embaucher, de recruter des précaires.

Certes, l’IA gardait le dernier mot sur l’organisation pédagogique et la nomination des enseignants. Mais dans les relations entre l’IA et un CA majoritairement composé d’élus et
de représentants des parents, le poids des questions politiques dépassait celui de l’intérêt des écoles, des collègues, des élèves.

L’objectif à terme était le transfert du maximum de compétences aux collectivités locales, y compris la gestion des personnels enseignants. Il s’agissait bel et bien d’une décentralisation de l’école primaire.

Le retour : changement d’appellation

Les EPEP deviennent les E2P sous la plume du rapporteur Reiss, mais l’esprit du projet reste le même. On pensait l’épisode clôt, grâce à la sénatrice communiste de la Gironde,
Françoise Cartron, qui les fait supprimer en 2010. Le nouveau rapport Leloup-Caraglio est inquiétant à plus d’un titre. D’abord par son contenu. Faisant le constat de
"l’éparpillement de l’activité des IEN" qui les éloigne de l’inspection (ce n’est pas SUD éducation qui s’en plaindra), de l’inadéquation du découpage des circonscriptions (sans lien
avec les bassins de collège, par exemple), d’écoles isolées les unes des autres et de directeurs seuls et sans pouvoir, il propose tout simplement de supprimer la circonscription, de
créer des EPEP ou des Etablissement Public du Socle Commun (EPSC), actuels bassins de collèges et de transférer une large partie des compétences administratives aux directeurs. L’IEN garderait la fonction d’inspection.

Scénario 1 :EPEP

Trop de petites écoles, notamment rurales ! Déjà on a vu Valls à la manoeuvre pour activer la formation de RPI, en exerçant le chantage aux postes : si RPI, postes conservés pendant 3 ans (et après ?) sinon fermetures. On a pu voir lors de la dernière carte scolaire comment les secteurs ruraux du centre Finistère ont été frappés de fermetures… et que la lutte et la solidarité paient (école de Berrien). La prochaine carte scolaire risque fort de poursuivre dans cette voie…

Avec les EPEP, il s’agit de créer des entités administratives de 9 à 11 classes, sur un site ou plusieurs, avec un directeur devenant chef d’établissement, aux compétences administratives
et pédagogiques élargies, notamment en matière de notation de ses (encore ?) collègues.

Scénario 2 :EPSC

"L’établissement du socle commun comprendrait un collège et les écoles élémentaires et maternelles de son secteur. L’exemple fourni par les REP+ peut servir de référence éventuelle à l’émergence d’une conception intégrée de l’école maternelle au collège". Du coup la mission des IEN évoluerait. Ils ne seraient plus des "super directeurs" mais "auraient à évaluer les
stratégies et actions menées dans les établissements sur des territoires plus grands", à l’image des IPR. Il reviendrait aux conseillers pédagogiques de faire face aux difficultés
rencontrées avec les élèves.

Catastrophe annoncée

Un quart des élèves français fréquentent une école rurale, dont 4000 sont des classes uniques. Ce sont ces classes et les petites écoles qui sont spécifiquement visées par les hiérarchies intermédiaires (DSDEN, rectorat) et par les politiques dictées par la Commission Européenne au gouvernement : trop chères, nos écoles rurales doivent se « réformer », se regrouper. Mais les élèves ? Quel impact sur leur vie, leur scolarité ? Se lever plus tôt pour prendre le bus (bonjour le bilan carbone !), rentrer plus tard à la maison, consommer du Sodexo à la cantine (bonjour le bilan hépatique !). Plus de fatigue, plus de trajets ne favorisent certainement pas de bons apprentissages, dans des grosses structures impersonnelles. Pour les villages ruraux, c’est la mort assurée, l’école étant souvent le dernier service public, le dernier lieu d’échange et de vie sociale (cf l’émission Interception « Ecole à vendre », France Inter, du 4/10/15 ).

L’école rurale, un modèle pédagogique

"La petite école n’est pas un problème… c’est une chance !" pour la Fédération nationale des écoles rurales. "Beaucoup de petites communes ont fait l’effort d’investir pour leurs écoles,
souvent mieux équipées que bien des écoles urbaines. Les études montrent que les résultats sont meilleurs – à milieu social équivalent – dans les petites structures scolaires... La
taille des écoles, son intégration dans le tissu social proche, le mélange des âges dans une même classe, sont une chance pour « une transition éducative » plus humaine, plus
démocratique, plus efficace". Sud Education partage ce point de vue et le défendra.

Pour SUD éducation, il est absolument hors de question de détruire le maillage scolaire rural, et nous nous y opposeront comme nous l’avons fait pour de nos camarades de Berrien. Il
est hors de question de concentrer les écoles dans les chefs-lieux de canton, de voir disparaître les petites écoles de quartier pour de gros groupes scolaires urbains (cf
Concarneau) : les arguments pédagogiques doivent primer sur les arguments économiques. Il est hors de question de régler le problème du travail des directeurs par une concentration des
pouvoirs.


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