Rapport de la Cour des comptes : quand la Cour commande le pouvoir

mardi 5 décembre 2017

Comme un symbole évident de l’obsession budgétaire présidant à toute mesure de politique publique, la Cour des comptes a publié à la rentrée ses recommandations en matière éducative.
Et sans surprise, dans la novlangue libérale, elle reprend toutes les recommandations qu’elle porte depuis plusieurs années « au nom de l’efficacité de la dépense publique d’éducation ». Le tout met en avant une remise en chantier de l’Education Nationale à base d’annualisation, de bivalence et de renforcement de l’autorité du chef.
« L’Education Nationale (…) ne souffre que de l’utilisation défaillante des moyens existants et non d’un manque de moyens ».

L’annualisation des services

Aux yeux de la Cour, l’annualisation permet de reprendre en mains l’ensemble des obligations de service et d’y inclure des points nouveaux comme l’obligation de remplacement ou de formation. Si on « règle » les problèmes de remplacement dans le second degré, on réalise aussi d’importants gains de travail en restant dans les volumes actuels de services : annulation des jours fériés et des événements ponctuels qui bousculent habituellement le calendrier scolaire. L’économiste féru de gains de productivité peut jubiler, on ajuste les volumes horaires réels aux volumes théoriques. Pareil, on annule les heures non faites à cause du bac en juin, les heures de stage en filières technologiques ou professionnelles, les heures passées en examens, en conseils de classe ou en formation.
Les « père la rigueur » budgétaires auront été entendus si le ministre suit. Accroître la quantité de travail pour un même salaire permet d’en faciliter la gestion, et de supprimer un nombre d’emplois conséquent dans l’Education Nationale.

Bivalence et caporalisme

Un calcul de la Cour des comptes publié en 2013 avait pointé l’intérêt de la bivalence dans le secondaire. Rien qu’au collège, la mesure permettrait de supprimer 2482 postes.
Cela à condition d’augmenter le pouvoir des directeurs du primaire et chefs d’établissements du secondaire. Selon les éminents connaisseurs de la Cour des comptes, ils devraient pouvoir choisir au moins partiellement les enseignants et les affecter sur les meilleurs postes à leurs yeux. En fait d’équipe éducative, les comptables ne reconnaissent que la hiérarchie et la domination dès l’instant où elle est rentable.

Le ministre peaufine sa stratégie

Le rapport de la Cour des comptes en 2013 n’avait reçu que des oppositions syndicales, hormis le SGEN-CFDT et le SE-UNSA qui soutenaient l’opportunité de revenir sur les décrets de 1950 et de reconnaître le « vrai » travail des enseignants selon leurs critères. Ils étaient cependant opposés à l’annualisation. Les décrets de 1950 ont été abrogés en 2015 avec les nouvelles obligations de service pendant que le SNPDEN (syndicat des personnels de direction) poussait en avant l’idée de réorganiser en « équipes » sur le mode managérial les enseignants. Autant de points marqués par les fossoyeurs du service public d’éducation, qui peuvent compter sur la division syndicale pour avancer leurs pions.
C’est bien sûr au ministre Jean-Michel Blanquer que ces rapports sont destinés. Ils lui fournissent un appui important pour lier l’application des accords PPCR aux gains de productivité et à la « réorganisation » des établissements.
Il est clair pour Sud éducation que rien n’est à attendre de l’ingérence comptable dans la mission éducative du service public. Et encore plus dans une actualité marquée par la transparence paradisiaque des flux financiers, dorlotés dans des comptes lointains grâce à la bienveillance des apôtres de la « main invisible du marché ».
Quand on fait passer un ensemble de combines taillées sur mesure pour grappiller des centimes à tous les étages de l’Institution pour une réforme ambitieuse du système éducatif, il y a bien quelque chose de pourri sous le règne macronien du ni-droite ni-gauche qui ne va nulle part !


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