Lycée : une réforme dangereuse pour les élèves et les personnels

mercredi 11 novembre 2009

Lycée : une réforme dangereuse pour les élèves et les personnels

Après le report stratégique de la première mouture de la réforme du lycée en décembre 2008 face aux mobilisations des personnels et surtout des lycéens, Nicolas Sarkozy et son ministre Luc Châtel ont tenté de surprendre les prévisions, en ne reprenant pas les formulations les plus contestées l’an dernier, ce qui permet à la plupart des médias de parler de réforme "allégée".

Et toujours le dogme de la réduction des dépenses publiques

Malgré le "bon sens" affirmé tout au long de la « com présidentielle », et au-delà des nombreuses questions qui subsistent sur certains points de la réforme et sur leurs modalités d’application, ce projet nous paraît dangereux pour le service public d’éducation, pour les élèves et les personnels.

Il n’y a rien qui permette d’atteindre les objectifs affichés de lutte contre les inégalités sociales au lycée, rien qui mette en question la hiérarchie des filières et de démocratisation du système, rien sur la nécessité de baisser les effectifs pléthoriques de la plupart des classes de lycées ou de multiplier les travaux en petits groupes. Quant à la réflexion sur les contenus d’enseignement et l’organisation de la scolarité, elle est, en l’état, tout simplement inexistante.

Cette réforme, annoncée quelques semaines après la casse historique de la formation professionnelle des enseignants, trouve naturellement sa place dans le dogme de la réduction du nombre de fonctionnaires, lequel constitue, année après année, un véritable plan social pour l’Ecole publique, à tous les étages de l’instruction et de la formation de la jeunesse : 16 000 suppressions sont prévues dans l’Education nationale à la rentrée prochaine, plus de 30 000 pour l’ensemble de la fonction publique. A travers ces "adaptations" à des budgets de rigueur, ce sont les contours d’une Ecole toujours plus inégalitaire qui se dessinent.

Derrière le paravent du bon sens....

Comme d’habitude, de grands principes, qui peuvent difficilement être contredits, sont énoncés ; mais les propositions faites par le ministre ne sont pas à la hauteur des prétendues ambitions. Elles peuvent même aller à l’encontre des volontés affichées.

Ainsi, les mesures annoncées concernant la série littéraire et la filière technologique ne permettront pas un "rééquilibrage des voies et des filières", d’autant que le projet annoncé oublie le lycée professionnel.

La multiplication des "groupes de compétences" en langues vivantes risque de constituer de nouvelles "classes de niveau", qui sélectionneront les élèves selon leur pratique des langues. Dans une économie mondialisée, la maîtrise technique des langues peut devenir le nouveau critère de "tri des élèves". Le lycée français mettra l’accent sur l’apprentissage et la pratique des langues étrangères, particulièrement l’anglais, mais aucun allégement des groupes de langues n’est prévu quand beaucoup de classes de seconde ont déjà 35 élèves.

On prétend valoriser et développer l’éducation artistique, la musique, l’art ou le théâtre, cela sans aucun moyen annoncé et alors qu’ils sont actuellement en diminution pour tous les projets de ce type.
Les heures d’accompagnement personnalisé, ainsi que les nouveaux enseignements en série L, s’installeront au détriment de plusieurs disciplines qui verront leur horaire diminuer, par exemple les Sciences Economiques et Sociales.

Pour l’orientation, que le projet veut "plus progressive, plus ouverte, plus juste", les mesures proposées auront des répercussions négatives : une "plateforme numérique", lointaine et impersonnelle, se substituera, pour les lycéens, aux CO-Psy (conseillers d’orientation psychologues), personnels à statut, formés et spécialisés, exerçant actuellement dans les établissements secondaires. La possibilité de réorientation en cours d’année peut très vite se retourner contre les élèves et contre les conditions de travail des personnels. Les changements de série risquent d’être plus "subis" que "choisis". Les "sas de compléments de programmes" et "sas de remise à niveau" seront comme toujours insuffisants pour constituer de véritables passerelles qui permettraient de penser des projets de réorientation.

Casse des statuts

Pour les enseignants, la proposition de ces "sas" (stages pendant les congés scolaires) est l’élément révélateur de ce que le pouvoir veut faire d’eux : alourdir encore la charge de travail quand ils n’arrivent pas à faire face aux nombreuses heures supplémentaires imposées ces dernières années -souvent sans gagner plus. Les heures d’accompagnement personnalisé, le tutorat des élèves, les missions d’orientation, sans parler de l’ouverture culturelle affichée nécessitant forcément un investissement. Tous ces services réels seront-ils intégrés dans les services comme des heures devant élèves ? Non, et il est même probable que certaines de ces heures compteront comme des demi-heures de cours, et/ou existeront au mieux sous forme d’heures supplémentaires, voire sans rémunération du tout parce qu’invisibles, comme c’est le cas de nombreuses tâches ajoutées aux horaires des enseignants depuis 15 ans.

Tri social

En effet l’augmentation de la proportion du nombre de bacheliers sur une classe d’âge ne s’est pas accompagnée d’une diminution de la ségrégation sociale. Les chiffres du baccalauréat 2008 soulignent ainsi que près de la moitié des lauréats ont obtenu un bac technologique ou professionnel filières dans lesquelles sont massivement représentées les enfants des classes populaires. La réussite dans le supérieur est aussi plus difficile pour une majorité de ces nouveaux lycéens. Le recul constant de la proportion d’enfants d’ouvriers et d’employés dans les classes préparatoires aux grandes écoles en témoigne. Cet aspect est renforcé dans les lycées des quartiers populaires par une ségrégation spatiale selon l’aire sociologique de recrutement des lycées. La suppression de la carte scolaire depuis la rentrée 2008 accentue encore cette tendance à la ghettoïsation.

Derrière ce paravent que constituent quelques projets de discrimination positive (partenariats avec Sciences Po ou autres écoles de commerce, associations "bénévoles"…), il est de plus en plus difficile pour les élèves issus des classes populaires d’accéder aux études supérieures et aux filières dites "d’excellence".

SUD éducation ne partage aucun diagnostic et n’envisage aucune convergence avec le gouvernement.

Ces réformes constituent un habillage pour la poursuite des suppressions de postes, la fragilisation constante des statuts et la multiplication des situations de travail précaire au sein d’une Education nationale qui abandonne sa mission de service public.

Avec la très grande majorité des personnels, SUD éducation affirme que rien n’est possible pour la démocratisation du lycée sans la restitution des postes supprimés lors des 3 dernières rentrées scolaires.
En ajoutant l’habituelle mention à l’accroissement de "l’autonomie des établissements" à son propos (moyen d’alléger les enseignements et d’affaiblir leur caractère national), la déclaration présidentielle est une attaque de plus portée à l’Ecole publique. Augmentant la charge de travail des enseignants, elle apportera bien plus d’inconvénients que d’avantages pour les élèves. En opérant une nouvelle méthode de gestion et de responsabilisation des parcours individuels des élèves, elle renforcera toujours davantage le développement d’un lycée à plusieurs vitesses, elle aggravera la reproduction des inégalités sociales : le contraire du lycée véritablement démocratique et égalitaire que nous souhaitons.

SUD éducation 29 invite les personnels à ne pas rester spectateurs du "show politique" appliqué à l’Ecole et particulièrement au lycée, à participer aux réunions des personnels lors de la grève du 24 novembre à Brest : 9 h – Maison du Peuple , à Quimper : 9 h – Halles St François , permettant d’échanger, de coordonner et de construire les bases d’une contestation d’ensemble et durable de la politique éducative et budgétaire du gouvernement.


Les détails de la réforme seront présentés au Conseil supérieur de l’éducation le 10 décembre.

Ce que l’on sait de la réforme du lycée générale

En classe de seconde :

 L’horaire élève maintenu à 28H30 hebdomadaires et les programmes du tronc commun conservés, sauf pour les enseignements d’exploration à la place des enseignements de détermination (1h30 par semaine ou 3h par semestre).
 Les moyens sont annuels, donc chaque établissement peut les organiser différemment s’il le souhaite.
 Les actuelles options (LV3, langues anciennes) pourraient être maintenues.
 En fait les disciplines technologiques, artistiques et les SES paieraient le prix fort d’une réforme sans investissement financier et pédagogique.

Cycle terminal : Environ 25h de cours + 2h d’accompagnement

1ère moins spécialisée et une terminale plus spécialisée afin de faciliter « les corrections de trajectoire » des élèves.

Tronc commun de la classe de première :

 3/5 horaire (environ 15h), Français, EPS, ECJS, LV1 et 2, HG. Mêmes horaires et mêmes programmes pour tous, ce qui peut amener à décloisonner les classes (L/ES,..)
 Les 2/5 restant de l’horaire seraient spécifiques à chacune des séries S, ES et L.

Il est acté l’introduction de nouveaux enseignements en série L, une diminution de la place des disciplines non scientifiques en terminale S (1 heure HG) Les horaires de langues vivantes 1 et 2 seraient globalisés et leur répartition laissée à l’appréciation du conseil pédagogique des lycées. Il
pourrait y avoir en langues des "groupes de compétences" rassemblant des élèves de filières différentes.

L’organisation de stages pendant les vacances scolaires entretient l’illusion de la facilité de fluidifier les parcours.


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