La réforme Blanquer, ou « la confiance règne »

jeudi 14 mars 2019

L’Assemblée Nationale a adopté vendredi 15 février dernier en première lecture la loi
Blanquer sur l’Education Nationale. C’est peu de dire qu’il s’agit d’un virage à droite
tant ses intentions de départ sont restées maintenues malgré les réactions vives, et
tant le ministre a saisi les opportunités de le durcir parmi les amendements pléthoriques
réactionnaires et nationalistes qui se sont fait entendre.
Article par article, c’est une attaque en règle contre le système éducatif républicain
doublée d’un dévoiement total du vocabulaire par un ministre de l’éducation nationale qui ose se prévaloir de la « confiance » et de la « bienveillance ».

Article 1 : L’intimidation des personnels

Sous prétexte de rappeler que « … par leur engagement et leur exemplarité, les
personnels de la communauté éducative contribuent à l’établissement du lien de
confiance qui doit unir les élèves et leurs familles au service public de l’éducation… »,
c’est l’expression des enseignants que le ministre souhaite contrôler. C’est ce qu’a mis en
évidence l’étude d’impact de la loi, document officiel remis aux parlementaires, qui
considère que « < les dispositions de cette mesure pourront être invoquées dans le cadre d’affaires disciplinaires concernant des personnels de l’éducation nationale s’étant rendus coupables de faits portant atteinte à la réputation du service public ».
Autant dire qu’on va tout faire pour compliquer le travail des lanceurs d’alerte sans qui aucun pas en avant social ou sanitaire n’est possible. « Il en ira par exemple ainsi lorsque des personnels de la communauté éducative chercheront à dénigrer auprès du public par des propos gravement mensongers ou diffamatoires leurs collègues et l’institution scolaire », ajoute le texte de l’étude. Autant dire que l’EN doit devenir une grande muette de plus dans la
république, et au nom de « la confiance ».

L’école du socle

On va faire d’un collège et d’une ou de plusieurs écoles primaires un seul et nouvel
établissement appelé « établissement des savoirs fondamentaux ». L’académie de Rennes est pilote sur cette question et la Rectrice a décidé de la mise en place de 210 écoles du socle à la rentrée 2019. On fait du principal du collège le nouveau supérieur hiérarchique des enseignants du 1 er et du 2nd degré et on lui fournit un directeur adjoint. On désigne ainsi un vrai responsable hiérarchique au dessus des équipes d’école en la personne du principal
de collège et on réduit fortement le nombre de directeurs dans le 1 er degré.
C’est l’absence de consultation des enseignants qui frappe dans ces regroupements, ainsi que l’absence de réflexion sur la liaison école-collège autrement qu’en termes
gestionnaires. Comment vont vivre les écoles rurales dans ces conditions ? Comment
vont-elles fonctionner sans direction au quotidien ? Comment un principal de collège va-t-il aborder le quotidien des écoles sans en être imprégné lui-même ?

Instruction obligatoire à 3 ans et cadeau au privé

Dès la rentrée 201 9, tous les enfants de 3 ans et plus devront recevoir une instruction,
dans des conditions où la loi impose aux communes la prise en charge des maternelles du privé sous contrat. On chiffre à environ 1 50 millions d’euros l’aubaine pour le privé en sachant que des années seront nécessaires pour que le public puisse scolariser dans des conditions satisfaisantes chaque enfant.
Les compensations prévues par l’Etat sont très floues tant en ce qui concerne l’égalité
entre les communes que le montant des compensations. Des associations de
municipalités ont fait savoir qu’elles ne pourront pas à la fois payer le privé et
maintenir le financement du public à son niveau actuel. Où est la « bienveillance » du
ministère ?

Expérimentation et évaluation

En supprimant l’ancien article 34 qui encadrait le régime des expérimentations, le ministre se donne le champ libre pour imposer ce que bon lui semble. L’expérimentation en matière d’organisation de services enseignants fait craindre l’annualisation, et le ministre élargit les champs d’expérimentations en y ajoutant le rôle des parents et les liaisons entre niveaux.
Ensuite, l’article 9 prévoit que tous les 5 ans, des équipes d’inspecteurs et d’usagers
feront les tournées d’établissements, après que les enseignants auront pratiqué leur
auto-évaluation , qui pourra en publier les résultats à son gré.
Voilà donc un outil parfait pour soumettre les pratiques pédagogiques aux injonctions
du ministère et pour renforcer la concurrence entre établissements en l’étendant aux écoles et aux collèges puisque leurs résultats pourront être rendus publics.

A l’encontre des valeurs d’émancipation

D’autres développements seraient nécessaires pour prendre la mesure de l’autoritarisme
galopant qui caractérise la loi Blanquer, en ce qui concerne les CDEN comme instances
représentatives désormais mises au pas, comme de sa portée symbolique avec
l’affichage de drapeaux tricolores dans les salles de classe.
L’école à la Blanquer, ce chantre de l’expérimentation qui autrefois recteur projetait de rémunérer les élèves pour lutter contre l’absentéisme et qui maintenant propose le recrutement d’assistants d’éducation pour enseigner sans le statut d’enseignant, va pouvoir incarner les pires travers démagogiques et réactionnaires du macronisme.
A moins qu’une vaste riposte des enseignants et des usagers ne vienne réhabiliter les valeurs initiales d’égalité et d’émancipation pour toutes et tous.


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