La stratégie du choc, version Macron ?

vendredi 10 avril 2020
par  sudeducation29

C’est à l’occasion d’un conseil des ministres extraordinaire consacré au coronavirus le 29 février dernier que la décision d’employer l’article 49-3 a été prise pour imposer sans débat à l’Assemblée le projet de retraites par points largement rejeté depuis des mois par la population. Le premier ministre a ce jour-là magistralement donné le ton de la manière dont le pouvoir se sert de l’épidémie pour faire avancer son projet.

Gouverner, c’est prévoir ?

Cette pandémie est surtout un point de non-retour qui devrait précipiter la prise de conscience de l’échec tragique du tout-capital et de la finance reine, et des démissions diverses des autorités en charge de l’intérêt général.

Au lieu de permettre un véritable confinement avec l’arrêt de toutes les activités non-essentielles, garantir l’accueil des patients, protéger les salariés et contrer la pandémie en respectant le droit du travail et protéger les plus vulnérables, le pouvoir se jette sur l’occasion de porter la semaine de travail à 48 heures en moyenne ou de supprimer le dimanche comme jour de repos hebdomadaire entre autres. Démanteler le Code du Travail tout en préservant les revenus du capital, de ce côté-là le « et en même temps » cher à Macron fonctionne.

Pointer les relâchements des règles de confinement et les comportements inciviques, c’est normal et nécessaire. Pourquoi en rester là et garantir l’impunité aux employeurs qui mettent sciemment en danger la santé de leurs employés et par ricochet contribuent bien davantage à l’extension mortifère du coronavirus ?
Alors qu’il refuse d’admettre la faillite totale de toute prévision et d’anticipation des risques, le pouvoir fait preuve d’une efficacité redoutable dès qu’il s’agit de capter au profit des élites les conquis sociaux du passé. Et tout cela parce que depuis plusieurs décennies (le slogan « le mur est tombé » qui marquait « la fin de l’histoire » ), on est passé du « Gouverner c’est prévoir » à « Gouverner c’est compter ». Compter les sous il va sans dire, la priorité absolue quand les politiques se font monétaristes.

Des postes et des salaires, pas des hommages !

Derrière la com’, derrière les hommages convenus au travail des soignants et le dénigrement des enseignants (qui ne font rien selon la porte-parole du gouvernement), le refus de rétablir les lits, les postes et les classes supprimées est inchangé. Aucune reconnaissance de l’impossibilité de faire notre métier d’enseignant n’a été exprimée en haut lieu. La continuité « pédagogique » n’en est pas une, si continuité il y a c’est au mieux une continuité relationnelle enseignants-élèves.

L’enjeu sémantique est de taille : si on parle de continuité pédagogique, on reconnait implicitement que le travail des enseignants peut se commuer en travail de pourvoyeur de contenus sur les réseaux sociaux. Et c’est reconnaître qu’il s’agit là d’un travail d’ « Instruction Nationale » et non plus d’Éducation Nationale. A quand un ministère « rénové » ? On nous dira qu’il faut « évoluer« , selon le ministre et ses prescripteurs médiatiques et syndicaux ? On expliquera aux parents qu’on peut élever ses enfants devant les écrans du matin au soir ? On stigmatisera les parents qui n’ont pas les moyens de s’offrir trois écrans chez eux ?

Pendant ce temps, les fermetures de classes et les suppressions de postes continuent sans la moindre pause, ce sont toujours les mêmes décisions brutales et arbitraires qui sont prises par écrans interposés. Après avoir liquidé toute forme de dialogue social incarnées par les CAPA, pendant que les dynamiques militantes sont au point mort, le pouvoir n’espérait sans doute pas avoir à ce point les mains libres.

Le choix de l’indigence publique

L’urgence sanitaire à la Macron-Philippe, c’est quand même un discours sur « les biens et services qui doivent être placés en dehors des lois du marché », le discours de l’économiste-roi qui associe les ajustements abstraits et arithmétiques de la production et de la consommation à des lois adoptées politiquement et acceptées socialement. Il n’y a pas de « loi » du marché, il n’y a que des intérêts privés qui se servent dans les ressources publiques pour arriver à leurs fins derrière un vernis idéologique.

La croyance dans la « loi » du marché, c’est l’absence de toute autocritique sur les politiques de Recherche. Quand les universités sont à la recherche d’autonomie financière, les chercheurs et universitaires deviennent des gestionnaires plutôt que des spécialistes dévolus à leur cœur de métier.

C’est la recherche fondamentale qui est en échec, c’est l’échec de la prévention avec pour triste résultat le fait qu’aujourd’hui on s’en remet à des mesures pilotées par l’industrie pharmaceutique ou à des figures médiatiques controversées vantant leur « solution miracle » en lieu et place d’une véritable politique de santé dans un pays parmi les plus développés au monde.

Un pays où on envoie au casse-pipe nombre de salarié-e-s sans protection ni équipement après avoir fermé il y a peu des entreprises pourtant rentables à même de fournir le matériel nécessaire. Cela au nom de l’ « efficience économique ».

Un pays où la violence policière atteint des niveaux inégalés faute d’effectifs de maintien de l’ordre et où les LBD éborgnent et mutilent les Gilets Jaunes, les étudiants et lycéens, au lieu d’assurer correctement la couverture publique des défilés de manifestants. La pacification sociale au moindre coût, ce sont aussi ça les lois du marché.

Parce que l’état d’urgence sanitaire est aussi un état d’urgence social, qui va se prolonger

Parce que l’état d’urgence des revendications sur lesquelles nous sommes mobilisés depuis des mois est maintenu : retraite par points, réforme de l’enseignement secondaire, refus des suppressions de postes…

Nous ne nous inscrivons dans aucun pacte avec ce gouvernement pour qui les intérêts du capital continuent à justifier qu’on bafoue les droits des salariés, la santé publique, qu’on saccage les services publics et l’environnement. Qui ne parle que de « guerre » que pour mieux camoufler celle qu’il mène contre les communs.


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