Atteinte à la liberté de recherche universitaire, stratégie politique au service des idées d’extrême droite

Propos de Vidal sur l’islamo-gauchisme
jeudi 18 février 2021

F. Vidal porte atteinte à la liberté de recherche des universitaires : un tel obscurantisme est inadmissible.

Dimanche 14 février, sur un plateau télé de CNEWS (chaîne sur laquelle un animateur a par ailleurs été condamné à plusieurs reprises pour incitation à la haine raciale) la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Frédérique Vidal, interrogée par Jean-Pierre Elkabbach à propos de l’article « Comment l’islamo-gauchisme gangrène les universités » du Figaro (12/02) déclarait : « Moi je pense que l’islamo-gauchisme gangrène la société dans son ensemble et que l’université n’est pas imperméable, [elle] fait partie de la société ». Et annonce par la suite qu’elle allait demander « notamment au CNRS » de faire une enquête sur « l’ensemble des courants de recherche » à propos de « l’islamo-gauchisme » à l’université, « de manière à ce qu’on puisse distinguer ce qui relève de la recherche académique et ce qui relève du militantisme et de l’opinion ».

Une démocratie qui voudrait museler ses universitaires ?

Alors que les universités sont encore largement fermées, les étudiant-e-s dans une précarité sociale, une détresse psychologique et une incertitude pédagogique sans précédent, que l’ensemble de la communauté universitaire tient à bout de bras un enseignement supérieur et une recherche que le ministère vient d’affaiblir, précariser et libéraliser encore plus via la LPR rejetée massivement, la ministre tente un contre-feu digne de son collègue de l’Education nationale. Que la ministre emploie les termes de l’extrême-droite à travers sa dénonciation du mythe, du fantasme de « l’islamo-gauchisme » marque une fois de plus la volonté du gouvernement de mise au pas de l’Université et de son personnel. Nous avons déjà connu ces derniers mois une volonté de restriction des libertés académiques, de la recherche, de criminalisation des mobilisations universitaires de la part de ce gouvernement. Cette fois-ci, toutes les limites sont franchies.
En demandant au CNRS (et donc ses agent-e-s) à travers l’Alliance Athéna de mener des enquêtes sur des « courants de recherche », la ministre piétine les fondements même de la recherche publique. Mme Vidal veut-elle instituer une police de la pensée ? Interdire certaines thématiques de recherche (telles les études postcoloniales ou décoloniales, les travaux portant sur les discriminations raciales, etc.) comme c’est le cas dans certaines universités en Hongrie, Brésil ou Roumanie ?

Une offensive répressive et autoritaire tous azimuts

Derrière ces propos, il y a plus que le « gauchisme », la stigmatisation de l’Islam et de ses pratiquant-e-s, ou supposé-e-s comme tel-les. Ce n’est pas un hasard si la ministre professe ces attaques quelques jours seulement après le « débat » entre Darmanin et Le Pen dans lequel le gouvernement a montré toute sa dimension réactionnaire, ou à quelques heures du vote de la loi « séparatisme » stigmatisante et discriminatoire.
La rhétorique est classique dans cette période de crise sanitaire, économique et sociale : masquer les responsabilités de l’État et du ministère dans la situation dramatique dans laquelle se trouve l’Université et la recherche aujourd’hui et allumer des contre-feu.
À travers les lois « séparatisme » et « sécurité globale », le gouvernement s’attaque frontalement à nos libertés fondamentales ; à travers les propos de la ministre, il menace les libertés académiques et la possibilité d’un enseignement et d’une recherche critiques.

Une arme d’unification politique à droite de la droite

Comme le soulève l’historien Nicolas Martin-Breteau sur Twitter, l’assimilation des travaux universitaires sur les questions raciales à un « séparatisme » militant n’a pas uniquement pour but de faire diversion. Il s’agit également de rassembler la droite dure derrière un étendard commun, de préparer le terrain pour des lois comme celle sur les « séparatismes », et de jeter l’anathème sur des mouvements sociaux. C’était Macron lui-même qui accusait, en juin 2020, l’université de « casser la République en deux » par « l’ethnicisation de la question sociale ». Il s’agissait alors de contrer l’essor des mobilisations contre les violences policières initiées par le Comité Adama et la jeunesse des banlieues, après l’assassinat de George Floyd. Encore aujourd’hui, Macron et son gouvernement se servent de ces termes et de ces idées nauséabondes pour pousser leur agenda réactionnaire.

La ministre Vidal, que l’on connaissait déjà autoritaire et hermétique à la détresse du monde universitaire, a perdu toute légitimité avec ces propos injurieux et menaçants : elle doit partir. Mais au delà, c’est l’ensemble des stratégies de la droite dure de Macron, Darmanin et les autres qu’il nous faut combattre. ¡ No pasarán !


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