AED/AESH

Du CDI à la titularisation : analyse, enjeux, revendications.
vendredi 13 mai 2022
par  sudeducation29

Le 24 février 2022, l’Assemblée Nationale a adopté une loi prévoyant la CDIsation des Assistant-es d’éducation.
Si cette mesure est inattendue elle ne vient pas de nulle part. Elle est le résultat de l’importante mobilisation des AED depuis des années et particulièrement depuis l’hiver 2020-2021. Lorsqu’elle entrera en application, elle mettra fin à une des graves injustices dont les AED sont victimes sans pour autant mettre un terme à la précarité. Dans l’attente d’un décret d’application et de l’ouverture de discussions avec les personnels, beaucoup de questions restent en suspens. Parce que le chantier qui s’ouvre est important, parce que les AED ont déjà montré que la lutte paie, parce qu’ils-elles sont indispensables au bon fonctionnement d’un établissement, les AED doivent enfoncer le clou et ne pas relâcher la pression. SUD éducation fait ici le point sur la situation et les enjeux liés à la CDIsation.

Une avancée sociale et syndicale

La possibilité d’être recruté en CDI constitue une avancée syndicale importante en mettant fin à une situation particulièrement injuste. Jusqu’à présent les AED étaient maintenus dans une situation d’inégalité vis à vis des personnels titulaires et contractuels. En effet, ce sont les seuls personnels non-titulaires de la Fonction publique à qui on ne proposait pas de CDI après six ans de service en CDD dans les établissements scolaires. Ces dernières années nous avions tout au plus réussi à obtenir - dans le strict respect de la loi - la possibilité de signer des CDD allant jusqu’à trois ans, les contrats d’un an restant cependant largement majoritaires. Depuis la création du contrat AED, ce traitement exceptionnel est justifié par le ministère par le fait que ces emplois sont principalement destinés aux étudiant-es. Mais le statut social des AED est aujourd’hui loin d’être celui-ci : derrière l’emploi des Assistant-es d’éducation se cache des réalités d’existence très diverses. Comme le rappellent eux-elles mêmes les porteur-ses du projet de loi, la moyenne d’âge des AED est désormais de 30 ans et on estime que 75 % des Assistant-es d’éducation ne sont pas étudiant-es. Le maintien de la limite des six ans était d’autant plus inacceptable. Avec la CDIsation, une revendication importante du mouvement syndical et de SUD éducation se concrétise.

Le CDI, qu’est ce que cela implique ?

Comme pour les autres catégories de personnels jusqu’à présent, les AED pourront bénéficier d’un CDI après six ans de contrats en CDD. Si la règle est alignée sur ce qui se fait déjà dans la fonction publique et dans l’Éducation nationale, l’AED concerné-e pourra justifier de six ans d’ancienneté si il-elle n’a pas eu d’interruption de plus de quatre mois entre deux contrats. Au delà de ces six années, le contrat sera transformé en CDI. La loi du 23 février prévoit que cette ancienneté est réduite à trois ans pour les personnels AESH. Il y a donc encore des avancées à obtenir dans ce domaine pour les AED. Mais attention, CDIsation ne signifie pas titularisation. Les personnels en CDI sont des agents non-titulaires, il n’est pas encore question pour les AED d’avoir accès à un statut de fonctionnaire comme la majorité des agent-es de l’Éducation Nationale. Si le contrat est bien a durée indéterminée, il n’est pas non plus synonyme de garantie d’emploi comme c’est le cas avec le statut de fonctionnaire. Les personnels en CDI peuvent être plus facilement licenciés et sont exposés à la baisse des budgets.

Le CDI n’est pas la fin de la précarité : nous voulons la titularisation

La CDIsation n’est malheureusement pas la fin de la précarité pour les AED. C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas nous en contenter malgré l’avancée temporaire qu’elle représente. C’est un véritable statut de fonctionnaire que nous devons obtenir pour les Assistant-e d’éducation, un statut de fonctionnaire qui placerait les AED à égalité avec les agent-es et qui leur assurerait le bénéfice d’une protection collective très précieuse. De plus, en l’absence d’avancée sur les salaires, les AED continueront de toucher une faible rémunération qui ne permet pas de vivre correctement de nos jours, ni même de faire face avec sérénité aux accidents de la vie. A la précarité des contrats s’ajoute pour les AED, comme pour d’autres agent-es non-titulaires, une importante précarité financière.

Cette loi peut d’ailleurs tout à fait s’accorder avec les projets de destruction de la Fonction Publique et du statut des fonctionnaires menés par le gouvernement actuel. Celui-ci a en effet prévu un recours massif aux contrats dans la Fonction Publique bien moins coûteux et protecteurs. Pourtant les besoins en AED sont pérennes et pourraient tout à fait justifier la création d’un corps de fonctionnaires spécifique.

Nous revendiquons au contraire la titularisation immédiate et sans condition des AED en poste qui le souhaitent.

Quels sont les enjeux et les points de vigilance à avoir ?

En l’absence des décrets d’application, bien des questions restent en suspens. Il va falloir être très vigilant-es collectivement pour que la CDIsation s’applique le plus favorablement possible pour les AED. Les changements dans les conditions d’emplois risquent en effet d’être importants. Plusieurs points doivent attirer notre attention et correspondent à autant de revendications portées depuis bien longtemps par SUD éducation.

Le recrutement

Selon nous le recrutement ne peut plus se faire à l’échelle de l’établissement mais doit redevenir rectoral. La CDIsation est bien plus complexe à gérer que des CDD d’un an et nécessite une remise en cause du recrutement par les chefs d’établissement. L’administration doit gérer les personnels AED de façon globale comme elle le fait déjà pour les autres non-titulaires, et ne doit plus laisser cette responsabilité aux directions.

Pourquoi ? Tout d’abord, cela permettrait un recrutement égalitaire avec des conditions communes et transparentes. Cela éviterait de multiplier les intermédiaires notamment en cas de litiges. Aujourd’hui les AED sont souvent isolés face à leur direction et sont très dépendants des chefs d’établissements qui exercent parfois des pressions. Un recrutement rectoral limiterait les abus et les interprétations souvent erronées de la loi par les directions d’établissement. Syndicalement ce serait aussi un atout dans le rapport de force puisque nous aurions affaire à un interlocuteur unique. Lors de nos interventions syndicales, le rectorat se défausse systématiquement sur la responsabilité des chefs en rappelant que ce sont eux les employeurs.

Prime REP/REP+

Les députés et les sénateurs de la majorité présidentielle et du reste de la droite ont balayé d’un revers de main la question de l’attribution des primes REP/REP+ aux AED et aux AESH comme le proposait la loi du 23 février. Cette non attribution, parfaitement injuste et qui était déjà intenable avant la CDIsation, se retrouve désormais encore un peu plus fragilisée.

Pourquoi ? Les personnels AED sont les seuls à ne pas bénéficier de la prime REP/REP+ avec les personnels AESH. Tous les autres personnels titulaires ou non en bénéficient d’une façon ou d’une autre qu’ils-elles soit chef-fes d’établissement, secrétaire, enseignant-es, agent-es. La CDIsation ouvre la voie à un recrutement sur le temps long. L’absence de prime devient une inégalité de traitement flagrante entre les personnels ce qui ouvre des possibilités en terme de recours juridiques.

MISE A JOUR : Les AED ont entre temps obtenu une belle victoire avec l’attribution de la PRIME REP/REP+. Cette victoire est consécutive à des années de mobilisation mais aussi à un recours au Conseil d’Etat déposé par la Fédération SUD éducation, il y a plus d’un an. La question de la CDIsation a joué un rôle clé dans l’argumentaire juridique. La justice laisse 6 mois à l’Etat pour se mettre en conformité avec ce jugement.

La création d’une grille salariale et l’augmentation des salaires.

L’accès au CDI rend possible des recrutements sur le long terme. Certains AED peuvent ainsi envisager sur le papier d’exercer tout au long de leur vie. Il est dès lors inconcevable que la CDIsation ne s’accompagne pas d’une augmentation conséquente des salaires. La rémunération devra être suffisamment importante pour compenser et dépasser l’éventuelle perte de certaines aides sociales aujourd’hui indispensables liées à la faiblesse actuelle des rémunérations.

Pourquoi ? Légalement dans le monde du travail, que ce soit dans le secteur privé ou public, l’ancienneté entraîne une augmentation des rémunérations. Dans l’Éducation Nationale c’est par exemple le cas pour les enseignant-es contractuel-les. Il serait inimaginable que ce ne soit pas le cas pour des AED qui peuvent désormais potentiellement exercer leurs missions pendant très longtemps .Mais attention ces augmentations sont lentes et demeurent faibles. Il va donc falloir se battre pour que leur mise en place soit rapide et plus favorable.

Un droit à la mobilité.

Il serait inconcevable que ne soit pas non plus mis en place un droit à la mobilité. Ce système doit permettre aux AED de pouvoir être affecté-es, en fonction de l’expression d’un certain nombre de vœux, dans plusieurs établissements au cours de leurs carrières. Ce système se doit d’être transparent et sur la base de points attribués par des critères objectifs comme c’est le cas pour les fonctionnaires. Cette mesure doit aller de pair avec le retour d’un recrutement à l’échelon académique et départemental.

Une meilleure représentation et des instances de gestion des carrières.

Aujourd’hui la seule forme de représentativité des AED sont les CCP (Commission Consultative Paritaire) à laquelle des représentant-es de SUD éducation 13 siègent aux côtés d’autres organisations syndicales. Contrairement à ce que permet la loi, cette commission ne se réunit que pour les conseils de discipline et en cas de proposition de licenciement d’AED. C’est généralement l’administration qui y a le dernier mot. SUD éducation demande depuis des années la transformation de ces CCP en commissions capables de traiter les situations individuelles mais aussi plus collectives : non-renouvellements litigieux, durée des contrats… Désormais cela paraît indispensable. Les AED doivent être officiellement associés aux discussions qui auront lieu sur leur statut. On peut très bien envisager que cette commission puisse être associée à la gestion de tout ce qui concerne de près ou de loin la carrière des AED (mobilités, rémunérations...)

Reconnaissances des acquis et formations professionnelles.

A l’heure actuelle, la reconnaissance de l’expérience professionnelle des AED est catastrophique. Au bout de six années d’exercice, celles et ceux qui ne se destinent pas à des carrières dans la fonction publique se retrouvent au chômage sans pouvoir faire valider les compétences acquises durant leurs parcours. C’est le fruit d’un véritable déni institutionnel quant à la réalité sociale d’une grande majorité des AED. Aujourd’hui avec l’obtention d’un CDI, il est inenvisageable d’en rester au statu quo. L’exercice des missions d’AED entraîne l’acquisition de compétences très variées, celles-ci doivent être reconnues et complétées par une véritable formation professionnelle. Une reconnaissance qui doit logiquement aboutir à des équivalences en terme de diplômes. Ce ne serait qu’un juste retour des choses, d’autant que l’on sait que l’exercice d’un métier rend très difficile la réussite de longues études. Des systèmes de compensations doivent être mis en place. Avec la reconnaissance du CDI, les missions des AED doivent évoluer et être codifiées. Nous ne le répéterons jamais assez, les AED ne sont pas des pions corvéables à merci, ils-elles doivent avoir des missions claires et des fiches de postes.

Vers la construction d’un statut d’Educateur-trice scolaire.

En parallèle de la titularisation, nous revendiquons la création d’un véritable statut d’Assistant-e Educateur-trices. Comme c’est déjà le cas sur le terrain, nous ne voulons pas que les AED soient cantonnés à un rôle d’encadrement mais revendiquons au contraire une évolution de leurs missions et de la formation professionnelle qui va avec. Nous pensons que le service public d’éducation, tout comme nos élèves, gagneraient à pouvoir bénéficier de l’aide et du soutien de personnels formés à la croisée des métiers de l’éducation, du sanitaire et du social : des pratiques professionnelles qui pourraient compléter utilement les autres professions déjà à l’œuvre au sein de l’Éducation Nationale. Pour celles et ceux qui souhaitent intégrer d’autres corps de la fonction publique, il resterait parfaitement envisageable de renforcer les passerelles déjà existantes à travers des postes réservés par concours internes.
Un point d’appui pour les luttes futures : un droit qui peut en entraîner beaucoup d’autres

La nouvelle possibilité de signer un CDI pour les AED représente une nette avancée en soit. Cette avancée peut en entraîner beaucoup d’autres. La difficulté à faire avancer les droits des AED est intrinsèquement liée à la précarité des conditions d’emplois et de vie. En diminuant cette précarité, on augmente les possibilités de voir de nouvelles revendications aboutir. En effet la précarité du contrat, la pression et la soumission aux chefs d’établissement, l’isolement ou encore le très fort renouvellement des personnels sont autant de frein à la construction d’un rapport de force durable. Le risque de non-renouvellement et l’impossibilité d’aller au-delà des six ans peut à bien des égards rendre veine toute tentative de mobilisation. Les AED sont parmi les personnels les moins représentés dans les établissements, ils et elles sont aussi souvent les moins syndiqué-es et celles et ceux qui utilisent le moins leurs droits syndicaux. Pourtant c’est tout ce qui est indispensable pour faire du lien, être informés et construire des solidarités. Mais désormais une prise de conscience semble être à l’œuvre parmi un nombre toujours plus important d’Assistant-e d’Éducation et comme l’ont montré les mobilisations historiques de ces dernières années, un sentiment d’appartenance commune se développe. Nous ne le répéterons jamais assez, il est essentiel que les AED s’organisent que ce soit en se syndiquant et/ou en s’organisant dans des collectifs par exemple. Avec un contrat de travail plus protecteur, en limitant la pression des chefs d’établissement on peut se prémunir davantage des abus et jouir pleinement des droits dont ont dispose pour s’exprimer et revendiquer. Le CDI le permet, il ne faut pas s’en priver !

Le rôle des AED dans les établissements est tout simplement indispensable. Une vie-scolaire fermée et c’est tout un établissement qui est bousculé et ne fonctionne pas correctement. C’est un moyen de pression important dont il faut user plus que jamais : les établissements ne fonctionnent pas sans les AED !


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