Déclaration de SUD Education Bretagne au CTPA du 22 mars 2011

jeudi 24 mars 2011

Monsieur le Recteur,

Votre passage à la tête du rectorat de Rennes durant 3 ans aura été marqué par bien des régressions… Les suppressions de postes se sont amplifiées dans l’Education nationale : 8.700 postes en 2007, 11.200 en 2008, 13.500 en 2009, 16.000 en 2010, et donc près de 17 000 en 2011. Ce seront donc 66.400 postes supprimés en 5 ans. A ces suppressions s’ajoutent la casse de la formation des stagiaires, la dégradation des formations dans les LP, la réduction arbitraire de l’accueil en maternelle, le passage en force du livret de compétences, déclinaison moderne du livret ouvrier d’un siècle passé, au service du patronat.
Certes, vous n’êtes pas responsable des politiques menées au niveau national, mais vous avez eu la responsabilité de les appliquer. Pour minimiser la casse, vous parliez (dans Le Télégramme du 19 janvier dernier) de « l’art d’ajuster sans dégrader »… nous nions qu’il s’agisse là d’un art, quand il faut masquer la dégradation, en essayant parfois, il est vrai, d’en réduire certains effets...

Le choix des formules, vous le savez, est déterminant. A l’heure où les effectifs scolaires croissent en Bretagne et que l’on supprime des postes de personnels enseignants, administratifs et de vie scolaire au lieu de répondre aux besoins, la communication est une arme essentielle. Et le projet académique 2011-2015 que vous laissez en partant en est l’exemple frappant.

« C’est un outil plutôt politique pour dire voilà d’où l’on vient et voilà ou l’on va », avez-vous déclaré. C’est tout à fait juste. Voyons où nous allons… Nous essaierons de faire court pourtant, tant nous sommes conscients que nous avons là la déclinaison académique d’un projet éducatif ficelé au niveau national.

Disons-le tout net : ce projet académique aligne des déclarations d’intention que contredisent les mesures prises, ou pire annonce sans détour des éléments plus inquiétants, qui constituent une dérive du système éducatif à laquelle nous refusons de participer.

Tout s’organise autour de la notion de parcours de l’élève. Le parcours doit être réussi, quelque chemin qu’il choisisse, dans les voies générale, technologique ou professionnelle, qui sont trois voies « qui doivent être considérées comme d’égale dignité »… comme c’est louable ! mais qu’est-il fait en ce sens ? Quels efforts ont été réalisés pour équilibrer ces voies ? Le lycée des métiers a vu le saccage des formations et la réduction des référentiels par la suppression d’une année sur 4 de formation en Bac Pro… Dans les filières techniques, la part des enseignements techniques s’est progressivement amoindrie et est réduite à peau de chagrin. On casse le service public, pendant que l’apprentissage patronal se développe sur ses ruines. On s’attaque maintenant aussi aux enseignements du lycée général. Et on nous parle pourtant de dignité…

Par ailleurs, le projet académique n’y va pas par quatre chemins : le but de l’école est l’insertion dans la vie sociale et professionnelle. Il faut que chacun soit à sa place, dans une société marquée par la précarité galopante, des discriminations liées à l’emploi et des injustices sociales. Plus question de savoirs, de formation de l’esprit critique, d’acquisition d’une culture commune, nulle idée d’émancipation. Les enseignements sont des moyens en vue d’ « assurer l’accès à un ensemble de compétences, gage d’une qualification et d’une insertion sociale réussie ». Le socle de compétences devient la référence, l’objectif à valider durant la scolarité obligatoire… lui qui ne devait être, on s’en souvient, qu’un socle minimal. On vide ainsi de leurs sens, de leur portée, bien des enseignements. Tout ceci nous rappelle furieusement le livret ouvrier d’antan.

De plus, quand on torpille un navire, ce n’est pas en renforçant le pilotage du vaisseau qu’on l’empêche de couler. Pourtant c’est bien ce qu’envisage le projet académique : rendre davantage responsables les équipes de la réussite d’un système que le pouvoir affaiblit volontairement… Le projet rappelle que « la réussite est d’abord due à la qualité de ses personnels » : quand on précarise l’emploi, quand on supprime les postes et qu’on dégrade la formation des enseignants, quand on détériore les conditions d’exercice du métier et qu’on alourdit la charge de travail, on s’attaque à la qualité du travail. Comme le reconnaissait Christian Morrisson, expert libéral de l’OCDE, en 1996 : « Si l’on diminue les dépenses de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de service, quitte à ce que la qualité baisse. Les familles réagiront violemment à un refus d’inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l’enseignement et l’école peut progressivement et ponctuellement obtenir une contribution des familles, ou supprimer telle activité. Cela se fait au coup par coup, de telle sorte que l’on évite un mécontentement général de la population. »

Et dire que vous nous avez demandé de dire dans des GT déconcentrés ce que nous pensions du projet non encore abouti ! A quoi bon ? Les lignes n’ont pas bougé. Le dialogue social « moderne » s’apparente décidément bien à un roulage dans la farine de première classe.

Et ce cadre académique permettra de poursuivre le démantèlement du service public d’éducation, par pans successifs, en renvoyant la responsabilité sur les équipes elles-mêmes, dans le seul but de réduire les investissements publics dans la formation des élèves… pardon, restons dans les éléments de langage actuels, nous devrions dire : « ce cadre permettra de poursuivre la modernisation du système éducatif et d’en accroître la performance par un pilotage partagé, pilotage qui s’accompagne d’une rationalisation des moyens et d’une optimisation des coûts ». Mais plus personne n’est dupe.

De cette école-là, Monsieur le Recteur, nous ne voulons résolument pas.


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