Puisque c’est l’Inspection générale qui le dit … !!

Réforme en classe de seconde
samedi 9 avril 2011

Un an après la publication au J.O des textes sur la « réforme » des lycées par le ministère, six mois après la rentrée 2010 qui a vu l’entrée en lice dans les classes de seconde des enseignements d’exploration, de l’accompagnement personnalisé, du tutorat, de l’autonomie des établissements, des conseils pédagogiques… et des suppressions de postes, le ministre vient de vanter tout cela comme une « vraie révolution pédagogique » lors de la présentation du rapport de l’Inspection Générale le 15 Mars dernier, sur « le suivi et la mise en oeuvre de la réforme des lycées d’enseignement général et technologique ».

En vérité, Luc Châtel parie davantage sur un effet d’annonce médiatique que sur un
examen public des retombées véritables des mesures adoptées, dans la mesure où
ce rapport démontre très clairement que ses objectifs officiels sont très loin d’être
atteints, et que sa mise en oeuvre est d’une grande fragilité. Sur quatre axes majeurs, enseignements d’exploration, accompagnement personnalisé, autonomie des établissements et pilotage de la réforme, l’Inspection Générale décrit une situation globale que les enrobages de notre ministre communicant visent à passer sous silence.

Conservatisme, concurrence, inégalités

D’abord, les enseignements d’exploration (EE) devaient améliorer l’orientation des
élèves et contribuer à une seconde vraiment indifférenciée. L’Inspection Générale
(dite IG dans la jargon) pointe le maintien d’une logique de pré-détermination où le
choix de MPS ou SES (Sciences Economiques et Sociales) et PFEG (Principes Fondamentaux d’Economie et Gestion) restent dictés par le projet d’orientation
future des élèves malgré la nonprise en compte de l’évaluation des EE dans
les décisions officielles des conseils de classe.
Ce dernier point est aussi sévèrement
critiqué par les enseignants qui se trouvent
souvent déstabilisés dans leur relation avec
leur classe dans un système éducatif profondément
imprégné par la culture de la
note.

L’IG relève encore une utilisation par les
établissements des choix d’EE pour reconstituer
des classes à profil, et pour se livrer à
une mise en concurrence entre eux à partir
d’une offre variable dans son volume et sa
structure (une "généraliste" et l’autre plus
"technique ou tertiaire"). En outre, on peut
remarquer que plusieurs EE n’ont de dispositif
innovant que le nom, comme les
Principes Fondamentaux d’Economie et
Gestion (PFEG) ou les Sciences
Economiques et Sociales (SES) qui ne sont
que la relégation d’enseignements auparavant
optionnels et maintenant dénaturés
dans leur programme ainsi que privés
d’une bonne part de leur volume horaire
antérieur.

Promesses du ministre et déception des élèves

Au sujet de l’Aide Personnalisée (AP) et du
tutorat, le rapport est encore plus critique.
Le terme de "très grande difficulté" ressort
dans le cadre de la réduction de moyens et
de l’application de programmes nouveaux
et jugés contradictoires avec l’AP. Les
lycéens ne ménagent pas leurs critiques sur
cette AP qui ne répond pas à leurs besoins,
sans aucune personnalisation et sur des
contenus nouveaux et parfois encyclopédiques
qui leur échappent. Et les enseignants
posent le problème de l’égalité
entre élèves car chaque équipe définit son
contenu d’AP dans un fourre-tout global
allant du cours disciplinaire à la méthode
abstraite. Le lien est établi entre la déception
des élèves et l’absence de réponse aux
difficultés disciplinaires qui ne sont plus
prises en compte. Sur les difficultés à mettre
en place sans moyens suffisants un enseignement
transversal des méthodes, le
ministre s’est contenté le 15 mars d’envisager
une "mutualisation des bonnes pratiques"
sur un site de formation développé
par l’Institut National de Recherche
Pédagogique, autant dire préserver l’usine à
gaz en mettant en avant les succès qui lui
remontent !

Autonomie et « paix sociale »

Quant à l’autonomie des établissements,
diversification rime avec complexification,
dégradation des conditions de travail, mise
en concurrence des disciplines et conflits
en germe sont explicitement mentionnés.
Pour coller aux besoins des élèves, plus de
la moitié des lycées ont opté pour des barrettes
plus ou moins généralisées en
Langues, EE et AP, mais au prix de cassetêtes
pour les directions chargées des
emplois du temps et d’une surcharge horaire
pour les élèves qui ont parfois des journées
à 9h de cours et 1h de pause-déjeuner,
et des cumuls allant jusqu’à 33 ou 35h
de cours hebdomadaires en sections européennes.

La répartition des heures globalisées d’enseignement
est laissée au libre-arbitre des
établissements, avec son lot d’enjeux professionnels
et concurrentiels entre collègues
et entre disciplines, la réforme étant
pour l’instant surtout utilisée pour préserver
des postes (jusqu’à quand ?). On peut
relever que beaucoup de lycées signalent
ouvertement que le but de "préserver la
paix sociale" préside à leur ventilation interne
des heures, on imagine bien la teneur
des ambiances entre collègues derrière les
euphémismes d’usage. Pour le reste, les
conseils pédagogiques jouent très diversement
leurs rôles et le professeur principal se
mue quasiment en nouveau métier de
cadre intermédiaire entre la direction et les
collègues compte tenu de ses missions
pivot dans la mise en pratique de la "révolution
pédagogique" chère au ministre.

Un manque de moyens criant

Enfin, l’IG relève que le pilotage de la réforme
par l’Institution pâtit du manque de
moyens, et des résistances internes liées
aux suppressions de postes induites. En
particulier, les pages 40 à 43 montrent que
l’implication de l’administration rectorale
dans l’accompagnement des proviseurs et
des IPR a été variable et parfois minimale
sous prétexte de "souplesse". Signalons par
ailleurs le fait que le SNPDEN (Syndicat
majoritaire des chefs d’établissements) a
dénoncé le 14 mars dernier l’irrespect des
textes règlementaires sur les lycées dans un
certain nombre d’académies, pour la préparation
de la rentrée 2011.

Un déni de réalité

Selon le site internet du Café Pédagogique
du 16 mars, les réponses du ministre à ce
rapport alarmant se sont bornées à privilégier
une formation à l’AP sans revenir sur la
réduction des moyens consacrés à la dite
AP, et l’accélération des contrats d’objectifs
entre académies et ministère, et entre académies
et lycées.

L’ironie du sort est dans le constat de la
concordance de la situation avec les mises
en garde que nous avions formulées il y a
déjà un an sur cette illusoire réforme. Il
n’est pas banal qu’un article publié dans la
presse de SUD éducation appuie son argumentation
sur un rapport de l’Inspection
Générale, pour exprimer son rejet des
orientations actuelles prises par le pouvoir
en place. Il suffirait de relire nos articles de
Février et Mars 2010 sur ce qui se préparait
à travers l’EPLE et les conseils pédagogiques,
la pénurie de moyens, pour saisir
toute la logique des problèmes, et l’absence
originelle de réponse à la demande unanime
d’amélioration des conditions de travail
et d’études des enseignants et des élèves.

A l’image de l’ensemble des mesures des
révisions générales des politiques
publiques, emblème du sarkozysme,
l’Education Nationale n’échappe pas à ses
travers notoires : mépris des corps intermédiaires,
dogmatisme idéologique et démagogie
galopante au plus haut niveau. A tout
cela, le ministre de l’éducation vient d’ajouter
un autre symptôme inquiétant : le
déni de réalité… à moins qu’un élan collectif,
des oppositions soudées et construites
entre équipes éducatives et usagers ne le
ramènent énergiquement à la réalité sociale.
C’est là tout le mal qu’on lui souhaite.


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