" On ne nait pas femme, on le devient "

vendredi 16 septembre 2011

C’est par cette formule fameuse dans son
ouvrage " Le deuxième sexe ", en 1949,
que Simone de Beauvoir a lancé l’une des
questions majeures qui ont stimulé la
recherche sur les sexes tout au long du siècle.
Au coeur des débats féministes des
années 60-70, la question "qu’est-ce qu’être
une femme ? "
a initié la problématique
de l’identité sexuelle dans ses
dimensions sociales. Etre un homme, un
homosexuel, un(e) bi-sexuel(le), une lesbienne,
un(e) trans-sexuel(le), ce sont
autant de points d’ancrages sociaux qui
n’ont eu de cesse d’être associés à des différences,
perçues comme définitives car
de nature biologique, dans la perception
ordinaire et dominante du monde social
et de ses hiérarchies.

Le sexe est un genre social

Face au poids des représentations essentialistes*
sur la place qui doit être accordée
à chaque individu dans la société, la
recherche en sciences sociales a permis de
dévoiler le caractère conventionnel et arbitraire
des classements sociaux basés sur
des critères naturels ou biologiques :
chaque individu est intégré dans une catégorie
sexuelle "de genre" construite par
l’environnement social. Autrement dit, l’identité
sexuelle est sociale et dès le premier
jour, on est élevé, et "éduqué", avant
tout comme une fille ou un garçon, on
apprend à se conduire, à penser et à
éprouver nos affects comme tel(le)s. Le
corps lui-même est marqué et soigné
selon les critères dominants de l’identité
de genre dans ses normes et dans ses
contraintes sociales, sur le mode de l’inculcation
ou de l’injonction. En même
temps, le désir physique ressort d’un
réseau d’influences et de sentiments forgés
dans l’expérience directe et intime
d’un environnement personnel, il est l’objet
d’une imprégnation, ou "persuasion
clandestine" pour aboutir à une orientation
sexuelle personnelle a priori en adéquation
avec le genre, mais parfois aussi
en déviance.

Trajectoire, orientations

A partir de cet éclaircissement fondamental,
une interrogation critique des logiques
de classements sociaux devient légitime,
sur l’espace des possibles dans la sphère
privée (les rôles familiaux) les trajectoires
sociales différenciées des individus en termes
d’orientation scolaire, d’études courtes
ou longues, générales ou technologiques,
de position professionnelles ou de
carrière, et forcément sur les discriminations
multiples autant qu’injustifiables par
une quelconque "nature humaine" innée
et immuable.
Depuis plusieurs années, cette problématique
est accessible aux nouvelles générations
de lycéens dans les programmes et
les manuels de Sciences Economiques et
Sociales, et doit le devenir à la rentrée
2012 en Sciences et Vie de la Terre. Outre
son apport incontestable à la citoyenneté
par la connaissance rigoureuse et objective
de la structure du monde social, on ne
peut que se féliciter de ce que celle-ci puisse
aussi contribuer à dé-fataliser et dé-stigmatiser
certaines orientations prétenduement
déviantes : on sait que nombreux
sont les personnels scolaires confrontés
quotidiennement au désarroi de jeunes
dont l’orientation sexuelle est en conflit
avec leur identité sociale de " genre ".

La polémique réactionnaire

Cependant, et comme à chaque avancée
historique dans le savoir émancipateur, les
réactions hostiles et très orchestrées émanant
de groupes de pression religieux et
politiques se sont fait largement connaître
par médias interposés. Des associations
familiales (" Familles de France " notamment),
d’enseignement catholique, des
représentants du clergé et des courants
politiques de la droite (des membres du
MPF de Philippe de Villiers et un courant
de l’UMP : la " droite populaire ") multiplient
les communiqués, les e-mails, les
pétitions et les menaces de boycott contre
cette partie des programmes en insinuant
qu’elle serait coupable d’inciter les jeunes
à des expériences sexuelles diverses. Ces
groupes maintiennent une contestation
radicale et obscurantiste du fait que le sexe
est davantage un construit social qu’un
donné biologique dans la construction de
la personnalité.

Une attaque contre la laïcité

Devant cette offensive dogmatique et prosélyte
qui s’attaque au principe même de
la laïcité, nous pouvons relever que le gouvernement
actuel n’a pas cédé par démagogie
ou électoralisme. En effet, quand
Luc Châtel déclarait en Juillet dernier que
"les programmes se contentent d’affirmer
la distinction entre identité sexuelle qui
relève de la sphère publique et orientation
sexuelle qui relève de la sphère privée,
avec l’objectif de lutter contre les préjugés,
ce qui correspond aux valeurs de la
République que l’Ecole transmet ", il y a là
un discours qui sur le fond vaut approbation
de l’immense travail collectif mené
par les chercheurs, éducateurs et enseignants
pour l’émancipation individuelle
de chaque jeune.

(*) théorie qui répartit les caractères
humains sur la base du sexe : par exemple,
par essence, les femmes seraient douces et
les hommes virils


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