Fichage, ragots, flicage - No pasaran ?

vendredi 11 novembre 2011

L’affaire révélée à la fin du mois de septembre par le journal Médiapart sur les pratiques à l’oeuvre dans un collège de Montreuil, en Seine-St-Denis, est venue à point nommé pour nous rappeler à la vigilance nécessaire devant la banalisation de l’usage des fichiers informatiques, au nom du "suivi individualisé des élèves", slogan-pivot s’il en est des réformes actuelles.

Fichage des élèves

Selon ce journal, des réunions d’harmonisation se sont déroulées entre les personnels du primaire (directeurs des écoles du secteur et professeurs concernés) et du collège (principale et professeurs). Suite à ces réunions, l’établissement a recensé dans un fichier informatisé des données personnelles sur les élèves arrivant en sixième, à partir d’informations fournies oralement. Chaque élève s’est vu attribuer une fiche scolaire qui mêle les unes aux autres et sans aucune précaution des données médicales, "psychologiques" voire policières le concernant, dans un fichier largement distribué aux enseignants du collège et dont la seule justification pourrait être (sous certaines conditions !) de faciliter l’accompagnement
scolaire.

Des annotations suspectes !

Ainsi, il a été constaté que certaines annotations telles que "sait manier un
compas" figurent sur le même plan que "gens du voyage" ou "papa problème d’alcoolisme", le ton est donné. Suivent pêle-mêle des considérations comme "fourbe, vicieux, insolent", "caïd de la classe", "stéréotype de la fille de cité dans son attitude", ou des remarques visant directement la famille : "les parents sont séparés, peu de contacts avec l’école", "violence du papa envers sa fille"… et pour couronner le tout, le volet policier est à l’honneur : "gens du voyage sédentarisés", "élève primo-arrivante du Portugal"… Ces données relatives à l’origine ou la nationalité sont annotées sans aucun scrupule. On imagine bien les conséquences extérieures pour certaines familles de ce repérage interne de leurs enfants scolarisés !

On peut aussi s’interroger sur la portée de la mention "absentéisme cautionné par les parents" relevée sur une fiche quand on sait que depuis la rentrée 2010, la suppression des allocations familiales peut venir sanctionner un absentéisme récurrent. En outre, le secret médical est à plusieurs reprises bafoué puisque certaines pathologies sont signalées, le tout dans un fourre-tout stigmatisant où le pointage des déviances des élèves et de leurs parents prend nettement le pas sur les informations d’intérêt scolaire. Le représentant local de la FCPE a vivement réagi et a exigé des excuses dans une lettre ouverte, la maire de Montreuil Dominique Voynet et son adjointe à l’éducation se sont saisies de l’affaire, et une enquête interne a été déclenchée courant septembre pour en déterminer les responsabilités.

Le syndrome du fichage au coeur du dispostif Eclair

Hélas, on peut penser que cette situation ne relève pas que de dérapages individuels et qu’elle n’est pas sans lien avec les visées affichées en haut lieu quant à l’éducation prioritaire et ses nouveaux dispositifs aux contours flous ( ECLAIR : Ecole, Collège, Lycée pour l’Ambition, l’Innovation et la Réussite et ses "préfets des études" ?). On y trouve encore le syndrome du fichage, démarche encouragée en dépit des protestations par les ministères de l’Education successifs depuis quelques années, qu’il s’agisse du fichier Base-élève ou du Livret Personnel de Compétences informatisé.

Au nom de la détection de la délinquance

Pourtant, le précédent ministre Xavier Darcos s’était quand même
engagé en 2008 à ce que Base-élèves ne fasse plus apparaître "la
profession et la catégorie sociale des parents, ni la situation familiale
de l’élève, ni l’absentéisme, ni les besoins éducatifs particuliers".
Or l’acharnement du pouvoir en place à vanter la mise en place
d’une détection de la délinquance dès la maternelle nous interpelle
sur le droit à l’oubli qui devrait profiter à tous les enfants scolarisés.
Pour Sud-Education, il est scandaleux qu’un tel zèle administratif et
policier puisse se réclamer de l’ambition innovatrice en matière scolaire,
aux antipodes de la mission de service public et d’égalité des
chances réelles de réussite qui devrait prévaloir dans chaque établissement
de l’Education Nationale.


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