Ancienneté, Arbitraire, Autonomie le triple A de l’évaluation !

lundi 12 décembre 2011

Fidèle à sa méthode de passage en force, comme à
ses objectifs inscrits dans sa politique de RGPP
(Révision Générale des Politiques Publiques), le
pouvoir actuel publie un décret visant à réformer le
système d’évaluation des personnels enseignants,
d’éducation et d’orientation. Le moment est venu
d’aligner la gestion des carrières dans l’Education
Nationale sur le modèle des autres secteurs de la
fonction publique, en y important les pratiques
managériales et les objectifs comptables à l’oeuvre
dans le secteur privé, et dont on connaît les effets
délétères sur la santé des salariés et la qualité du travail.

Ce décret, qui doit entrer en vigueur le 1er septembre
prochain, se veut un volet du "pacte de carrière"
vendu par notre ministre depuis l’automne
2009, et vise "à améliorer les conditions d’exercice
du métier d’enseignant
" (jusque-là, pourquoi pas
 ?...) "… dans le cadre d’une gestion plus dynamique
et personnalisée des ressources humaines
".
Cette dernière partie illustre clairement les critères
d’amélioration prioritaires aux yeux du ministre :
efficacité comptable et contrôle de la performance
individuelle.

A l’Ancienneté pour tous

Ce décret marque une rupture dans les modalités
d’évaluation en remplaçant les cadences d’avancement
existantes (grand choix, choix, ancienneté)
par un rythme unique basé sur l’ancienneté, mais
modulé par d’éventuelles "réductions d’ancienneté"
au mois après un entretien individuel avec l’IEN
ou le chef d’établissement.

De fait, on érige en dispositif d’évaluation à part
entière un entretien professionnel avec le supérieur
hiérarchique, à l’issue duquel on modulera l’attribution
aux personnels de "mois de réduction d’ancienneté".
On met donc fin au système de notation,
au profit d’un dispositif d’"appréciation de la
valeur professionnelle
".

L’avantage comptable du décret est évident à court
et long terme : gel de toute promotion sur les
cadences antérieures autres que l’ancienneté et
instauration d’un principe de " moins-disant " salarial
dans l’Education Nationale. Pour s’en convaincre,
il faut savoir que dans le système existant, 12,5
années au moins permettent d’atteindre le 8° échelon
à l’ancienneté tandis qu’il en faudra 15 avec le
nouveau. Pour les collègues au grand choix, on passerait
pour le huitième échelon de huit ans à 12,5
années, selon les estimations.

Un coup d’arrêt à la hausse de la masse salariale est
donc bel et bien programmé.

Arbitraire

Quant aux effets qualitatifs, ils rejoignent pleinement
les ambitions hiérarchiques et managériales
qui dominent le monde de l’entreprise. Le dispositif
d’appréciation de la valeur professionnelle des
agents doit s’appuyer sur un processus d’auto-évaluation
pour déboucher sur un entretien professionnel
(articles 1 et 2 de l’arrêté) "conduit par le
supérieur hiérarchique direct
" de l’agent : IEN
compétent dans le premier degré, chef d’établissement
dans le second degré. En outre, il est fait mention
que "l’autorité hiérarchique doit désigner un
autre fonctionnaire pour mener les entretiens d’évaluation
au sein des établissements (…) en cas de
nécessité liée à la continuité du service public
". La
voie se dégage pour toutes les hiérarchies internes
et intermédiaires, par exemple dans le 1er degré où
le directeur pourrait être désigné : c’est le retour du
spectre des maîtres directeurs.

La démarche d’évaluation/ auto-évaluation repose
sur les compétences à acquérir définies dans l’arrêté
du 12 mai 2010, à savoir faire progresser :
 chaque élève
 les compétences dans sa discipline ou ses domaines
d’apprentissages
 sa pratique professionnelle dans l’action collective
de l’école ou de l’établissement en lien avec les
parents d’élèves et les partenaires (projets pédagogiques
validés par les instances de l’école et de l’établissement)
 la qualité du cadre de travail pour qu’il soit propice
aux apprentissages et au partage des valeurs de
la république.

Le positionnement de l’agent sur ces critères doit
donc être analysé à travers les résultats du processus
d’auto-évaluation, et ce au cours de l’entretien professionnel.
On doit y traiter aussi les " éventuelles
divergences
" et construire une évaluation formative
pour identifier les besoins en tutorat, formation
ou perspective d’évolution professionnelle (articles
4 et 7).

Au final, c’est " la manière de servir " de l’agent qui
est l’objet d’une appréciation globale intégrée au
compte-rendu d’entretien, le tout lesté ou pas
d’une proposition de réduction d’ancienneté par le
" supérieur hiérarchique " au rythme d’une évaluation
tous les trois ans.

Autonomie des établissements

Un cran supplémentaire est tourné vers la caporalisation
du métier, la mise en concurrence des enseignants
à l’interne et à l’externe entre établissements.
De même, on accentue l’hétérogénéité des
conditions d’enseignement pour chaque élève sur
le territoire national.

Pour toutes ces raisons, le décret ministériel
sur l’évaluation parachève la dérive managériale
de l’Institution scolaire, et l’éloigne encore
davantage de l’esprit coopératif et collégial
qui devrait y prévaloir.


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