La maladie sénile de l’administration

vendredi 23 novembre 2012

journal novembre 2012

Les articles

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Edito

L’Education Nationale est malade.
Malade de son administration.

Ce constat nous le faisons cha-que jour. La bureaucratie a dévoré
le mammouth de l’intérieur : l’administration ne
fonctionne plus que pour s’autoalimenter, dévorant
le temps et l’énergie de ceux qui doivent faire vivre
l’école, ceux qui enseignent. Bien avant Sarkozy s’est
développée la culture d’un management, d’une
technocratie néolibérale nourrie à la religion de la
compétence, de l’évaluation, du résultat chiffré, où
les mots se vident de leur sens premier pour dire leur
contraire (ainsi "réforme" devient synonyme de
"destruction"). Cette novlangue a été baptisée LQR
(Lingua Quinta Respublica) par Eric Hazan dans son
essai "La propagande du quotidien". Elle a imprégné
les esprits de la hiérarchie de l’Education Nationale
bien avant Sarkozy et persiste dans les cerveaux technocratiques
après lui, du Ministère aux chefs d’établissement,
sans que le nouveau pouvoir n’ose y mettre
fin…

La dictature de la novlangue

Chacun en subit le poids et la dictature chaque jour.
Cette pression est renforcée par l’immédiateté des
nouvelles technologies. Il faut
remplir les enquêtes, les questionnaires,
les formulaires, les
autorisations, les PPRE, les PAI,
les tableaux, les fichiers pour
avant-hier. Les enseignants, et en
premier lieu les directeurs d’école
en crèvent et gare à qui refuse la dictature de l’outil
informatique ! Les sanctions pleuvent sur les désobéissants
désobéisseurs !

Et les inspections ?

Chacun de nous a subi ses humiliantes séances infantilisantes
où l’inspecteur vient mettre le nez dans
notre classe le stylo rouge en bandoulière, le nez
froncé et le reproche constamment au coin des lèvres
 ! Et les projets d’école, qui sont devenus une sorte
d’outil ubuesque, rédigés dans un jargon technocratique
pseudo-pédagogique, qu’il faut traduire sans
qu’on soit bien sûr d’avoir tout compris, qu’on nous
retourne "corrigés" au stylo rouge !
Dans le primaire, chaque rentrée apporte son lot
d’inspecteurs compteurs d’enfants, qui vont
pinailler sur le moindre bambin pour justifier une
fermeture de classe ou une non-ouverture, chacun
excellant dans le zèle comme s’il était intéressé au
"rendement de la machine" !

Chaque rentrée voit affluer sur les "bureaux numériques" des
enquêtes statistiques, des fiches individuelles où d’année en
année le même inspecteur réclame au même enseignant ses
diplômes, sa date de naissance ou son échelon… Il faut se battre
avec des logiciels stupides qui demandent des identifiants et
des mots de passe simplement pour s’inscrire à des animations
pédagogiques… obligatoires !! Ou essayer de se faire rembourser
ses frais de transports !

Manque de confiance et mépris

Et à chaque niveau c’est la même chanson libérale : ici une
Rectrice sanctionne 13 enseignants avant de
quitter ses fonctions, là un directeur académique
continue la politique précédente en
supprimant des circonscriptions, ici des
inspecteurs font pression pour que les chiffres
des évaluations remontent alors que le
Ministre a dit "pas de remontée", là une
inspectrice demande des documents administratifs
quand l’enseignant appelle pour
signaler un fait de violence et qu’il est menacé,
ailleurs et un peu partout, rien ne change.
Tout cela s’accompagne d’un profond
mépris et d’un manque de confiance de la
hiérarchie à l’égard des enseignants.
Pourtant aujourd’hui, du haut au bas de
l’Education Nationale, les femmes et les
hommes qui la font vivre ont quasiment le
même niveau de formation (de l’instit de
maternelle au Ministre) mais l’administration
ne cherche pas à élaborer une intelligence
collective. Il faut écarter tout ce qui
pense, tout ce qui fait penser l’institution.

Désertion de la Solidarité

Cela entraîne chez beaucoup d’entre nous, enseignants, une
souffrance, un dégoût, un repli sur soi, un abandon de toute
réflexion pédagogique ou syndicale, un chacun pour soi mortifère,
une désertion de la solidarité. Cela gangrène nos pratiques
de classe, cela nous sape le moral, nous rend malades. Dans le
primaire, les directeurs sont en première ligne, ils sont sous la
pression directe, et de plus en plus ils craquent, coincés entre le
terrain qui souffrent et la hiérarchie, complètement déconnectée
de la réalité des classes, qui impose ses diktats bureaucratiques.
Ils y laissent leur santé, nos collègues directeurs, leur foi
dans leur métier. Peu à peu, certains se laissent même prendre
au piège et basculent à leur tour dans un fonctionnement technocratique
inhumain.

Il faut que le nouveau gouvernement ait le courage de rompre
ce processus de destruction. Et notre rôle de syndicat est de tirer
le signal d’alarme, mais aussi de faire des propositions.

Que cessent les procédures inhumaines...

Nous demandons que cessent les procédures bureaucratiques
inhumaines, les documents jargonneux incompréhensibles, le
mépris de la hiérarchie pour le monde enseignant, les pressions
pédagogiques, les inspections infantilisantes et les tracasseries
administratives. Nous demandons que cessent
les évaluations nationales, le livret de
compétences, l’aide personnalisée, triste
cache-sexe de la mort des RASED. Nous
demandons que les directeurs bénéficient de
plus de temps de décharge, de moins de
pression administrative et d’une revalorisation
de leur fonction. Nous demandons que
cesse la "gestion" aveugle et inhumaine des
personnels que l’on balade d’établissement
en établissement, comme des numéros, des
dossiers, des entités abstraites mais méprisables,
surtout s’ils sont précaires ! Nous
demandons l’abrogation des programmes
2008 et toute leur cohorte d’évaluations
technocratiques. Nous demandons plus
d’enseignants que de classes, et la restauration
des RASED, sans lesquels l’école ne
peut être l’école de tous. Nous demandons
que soit repensé le rôle de la hiérarchie, qui
ne doit plus être un relais obéissant et servile
de la pensée unique mammouthienne et un évaluateur zélé.
Nous demandons une véritable réforme des rythmes scolaires
qui intègre vraiment une réduction de la journée de l’élève et de
l’enseignant. Nous demandons que pour un an, le temps de l’aide
personnalisée soit donné aux équipes pédagogiques pour se
réunir et discuter véritablement de l’avenir de notre métier.

Nous voulons être acteurs

Nous avons besoin d’être les acteurs de notre avenir, pas de simples
figurants ! L’Education Nationale est malade de son administration,
ne laissons pas sa partie vive, les enseignants, se laisser
contaminer !

Sortons de la novlangue libérale et parlons enfin d’éducation !


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