De la perte de salaire en milieu enseignant

dimanche 10 février 2013

Les enseignants seraient des nantis, hostiles à
tout changement qui mettrait en péril leurs
"privilèges", recroquevillés sur leur statut, leur
emploi à vie et leurs salaires mirifiques. Ces clichés
ont la vie dure, notre ministre l’a encore
prouvé récemment.

Mettons le nez dans notre fiche de paie.

Public/privé, hommes/femmes

Première constatation, selon l’INSEE, si l’on
compare les salaires, à diplôme (supérieur à
bac +2) et âge égal, un enseignant est moins
bien payé que s’il travaillait dans une entreprise
privée... Et comme dans le privé, les inégalités
salariales sont très fortes entre les hommes
et les femmes ! Et plus on avance en âge,
plus l’écart se creuse entre les enseignants et
les salariés du privé, mais aussi entre les enseignants
… et les enseignantes ( plus de 25% en
fin de carrière).

Un salaire en baisse constante

Deuxième constatation, selon une étude dirigée
par Robert Gary-Bobo, depuis les années
1980, le salaire des enseignants n’a cessé de
baisser en monnaie constante. A échelon et
ancienneté équivalents, l’étude compare le
revenu salarial net (hors prime) et sa conclusion
est sans appel : pour un salaire de 100 en
1981, à échelon et ancienneté identiques, un
enseignant du secondaire ne touche plus que
80 en 2004, un enseignant du primaire 91.
Globalement, cela est dû à deux facteurs
directs : l’augmentation des cotisations sociales
(CSG par exemple) et les différentes politiques
de rigueur mises en place depuis 1983.
L’écart est moins important pour le premier
degré, car le passage du statut d’instituteur
(cadre B) à celui de Professeur des Ecoles
(cadre A) a amorti la baisse constante des
salaires. La perte de pouvoir d’achat des enseignants
est estimée à 0,88% par an. Pendant ce
temps, le pouvoir d’achat du salarié moyen a
augmenté de 16 %, et celui du SMIC de 24 %.
On peut s’étonner que notre profession, avec
son fort taux de syndicalisation, ait pu accepter
cette forte baisse. L’étude avance une
hypothèse étonnante : notre profession, très
féminisée, aurait plus revendiquée sur les
conditions de travail (diminution du nombre
d’élèves par classe, ...) que sur les salaires.
L’étude s’arrête à 2004, mais on peut très certainement
penser que la courbe descendante
de notre niveau de revenu ne s’est pas améliorée
depuis, avec le blocage des salaires, et nous
savons tous comment et pourquoi nos conditions
de travail se sont dégradées. Ainsi une
étude de l’OCDE comparant les salaires des
enseignants entre 2000 et 2010 montre une
poursuite de cette baisse : pour un salaire de
100 en 2000, l’enseignant français ne perçoit
plus que 92 en 2010.

Inégalités au niveau européen

Troisième constatation, les enseignants français
sont bien moins payés que leurs collègues
européens. Sur la période 2000-2010, tous
nos collègues ont vu leur salaire augmenter,
pendant que le notre baissait (rejoints depuis
par les enseignants grecs, espagnols et portugais,
frappés par les mesures d’austérité). Nos
salaires sont mêmes inférieurs à la moyenne
de l’OCDE.

Rapporté au PIB par habitant, ces niveaux de
salaires classent les professeurs français nettement
en dessous de la moyenne de l’OCDE.
Le traitement brut d’un professeur certifié,
enseignant depuis 15 ans en lycée public,
représentait 1,42 fois le PIB par tête dans l’ensemble
de l’OCDE, contre 1,17 fois seulement
en France

Pas de réduction de temps de travail

Quatrième constatation, le rapport salaire /
temps de travail n’a pas varié pour les enseignants,
tandis que la majorité des salariés
bénéficiaient de réductions du temps de travail
sans perte de salaire. Depuis
1981, le temps de travail du salarié
moyen a baissé de 15 % (5ème
semaine de congés, passage de 40 à
35 heures hebdomadaires), mais le
temps de travail des enseignants a
augmenté avec la multiplication de
sujétions en tous genres dans le
secondaire ou stagné dans le primaire.
Rapporté à l’évolution du salaire
net moyen, et compte tenu de l’évolution
du temps de travail, le salaire
relatif des enseignants a donc fortement
baissé depuis 1981 !

Quand on est capable de trouver des
millions d’euros pour abaisser les
cotisations patronales, on peut payer
les enseignants dignement.


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