“Flexi” pour les salariés, “sécurité” pour les patrons - Un ANI qui ne nous veut pas du bien

lundi 18 mars 2013

En préambule à l’adoption prochaine d’une " loi sur l’emploi ",
l’accord national interprofessionnel (ANI) a été signé le 11 janvier
par le MEDEF et trois syndicats de salariés : la CFDT, la CFECGC
et la CFTC.

Porté aux nues par Laurence Parisot, la présidente du MEDEF,
pour qui il est un "accord potentiellement historique s’il est
repris tel quel dans la loi ", il inspire aussi à Patrick Bernasconi
(un négociateur du syndicat patronal) la conviction que "la
France figurera désormais parmi les meilleures références pour ce
qui est de la flexi-sécurité". En pratique, il n’a d’historique que
l’ampleur de la régression sociale qu’il prépare. Prenons-en prendre
la mesure sur trois points essentiels des conditions de travail
pour les salariés.

Licenciement automatique et fin des recours en justice

Jusqu’ici, tout licenciement doit être justifié par une "cause réelle
et sérieuse" soit pour motif personnel soit en tant que licenciement
économique selon que l’acte est motivé par une carence du
salarié ou par la situation économique de l’entreprise.
Avec l’ANI, cette obligation de "cause réelle et sérieuse" du
licenciement économique tombe à l’eau. Comment s’y prendre
en tant que patron ? En
proposant un "Accord
de maintien dans l’emploi"
s’il considère que
l’entreprise traverse de
"graves difficultés
conjoncturelles". Il proposerait
de "tout faire
pour maintenir les
effectifs" en échange
d’un aménagement du
temps de travail et du
salaire. Autrement dit,
pas de licenciement si
tout le monde accepte
un allongement du
temps de travail sans
hausse salariale ou une
forte baisse de la durée
avec baisse du salaire. Si
cet accord est accepté
par les syndicats majoritaires
aux élections professionnelles,
il devient
légal et tout refus de ces nouvelles conditions de travail mène au
licenciement automatique. Plus de plan social quelque soit le
nombre de salariés touchés ni de consultation des instances
représentatives du personnel, plus d’indemnités ni de formation
ou de reclassement, le licenciement économique ne se justifie
plus.

L’article 18 de l’ANI est clair : "l’entreprise est exonérée de l’ensemble
des obligations légales et conventionnelles qui auraient
résulté d’un licenciement collectif pour motif économique". Et
pour parachever l’ensemble, il devient impossible de contester au
tribunal le critère de "cause réelle et sérieuse" qui devient implicite
avec l’ANI.

Mobilité forcée

Pour tout employeur désireux de dégraisser à moindre frais, et
sans aucun contrôle, une autre option est ouverte grâce à l’article
15 qui permet d’imposer une mobilité interne à ses subordonnés.
Celui-ci vise à réorganiser les "changements de poste ou de
lieux de travail" d’un département à l’autre : ces mobilités
seraient négociées tous les trois ans par les directions et les représentants
du personnel pesant au moins 30% aux élections.

Malgré quelques " dispositions visant à prendre en compte la
conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale ", un
accord provenant de la négociation pourra obliger le ou les salarié(
es) à traverser la France en cas de réorganisation au sein de
l’entreprise et tout refus les expose à un licenciement pour motif
personnel, comme s’ils étaient eux (elles)-même responsables
des choix faits par les employeurs. Le chantage à l’emploi est clairement
et cyniquement assumé.

Harcèlement organisationnel

La voie est dégagée pour les restructurations brutales, regroupements
de services et autres impératifs de rendement. On en
connaît les conséquences funestes sur la santé des salariés, la
vague de dépression et de suicides à France-Télécom en a été la
dramatique illustration. Si ses dirigeants ont pu être poursuivis en
justice après ces drames, c’est grâce aux expertises demandées
par les Comités d’Hygiène, de Sécurité et Conditions de Travail
(CHSCT). Or l’ANI imposerait à ces expertises des conditions
drastiques, avec un raccourcissement de 45 à 21 jours de leur
délai de réalisation.

Autrement dit, seules
des expertises bâclées
et sans capacités juridiques
pourraient être
menées, si bien que la
condamnation de
F r a n c e - T e l e c o m
deviendrait impossible.

Le règne du “gré à gré”

Aujourd’hui, la loi fixe
un cadre minimal à
respecter en matière
de salaire, de temps de
travail ou de congés,
suivi par les accords de
branches puis d’entreprise.
L’ANI prévoit
l’inversion de la
logique puisqu’un
accord de maintien
dans l’emploi" ou une négociation sur la mobilité primeront sur
le Contrat de travail. C’est le règne du "gré à gré" qui se prépare,
comme si patrons et salariés étaient à égalité dans la négociation.
C’est aussi la destruction des socles de garanties collectives
conquises historiquement dans les luttes, une insécurisation sans
précédent des salariés et une extension des droits déjà exorbitants
des patrons dans une période où plus de 5 millions d’actifs subissent
le chômage !

Au PS, l’aile gauche du parti (Emmanuel Maurel) réagit à ces
accords qui reprennent les fameux accords compétitivité-emploi
de Sarkozy, que l’ex-candidat vainqueur Hollande avait condamné
il y a un an avec "beaucoup de force".

Aujourd’hui, toutes les forces syndicales opposées à la casse du
Code du travail doivent s’unir pour bloquer les appétits patronaux,
y compris des structures CFDT, CFTC ou CGC opposées à
cette signature par leurs directions nationales. L’Union Syndicale
Solidaires poussera dans ce sens tant dans les entreprises qu’au
plan national.


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