Nouvelle réforme du recrutement et de la formation des enseignants : Un nouveau recul

vendredi 17 mai 2013

Les six projets d’arrêté fixant l’organisation des nouveaux
concours de recrutement des enseignants (CRPE, CAPES,
CAPEPS, CAPLP, CAPET) et du nouveau concours de recrutement
des conseillers principaux d’éducation (CPE) viennent de
sortir et définissent les épreuves de chaque concours. La première
session de ces nouveaux concours aura lieu au printemps 2014
et sera ouverte aux étudiants inscrits en première année de master
(ou de niveaux supérieurs).

Le concours se tiendra en fin de première année de master (M1) ; pour
les lauréats, la seconde année de master est consacrée pour l’essentiel
au stage, avec une obligation de service à 50 %, sous le
double statut d’étudiant et de fonctionnaire stagiaire. La première
année sera, comme elle l’était avant 2009, une année de bachotage
en lieu et place d’une véritable formation, sans pratique. En
seconde année, les stagiaires enseigneront à 50 % de leur temps, avec
une journée par semaine pour travailler avec leurs formateurs du
master compromettant la qualité de la formation.

Un risque sérieux d’affaissement des connaissances disciplinaires dans le 1er degré

Pour le CRPE (concours de recrutement des professeurs des écoles),
le coefficient des épreuves orales d’admission vaut 2/3 de la
note (160 sur 240) et seuls 53 points, soit 22 %, concernent les
connaissances disciplinaires. Autant dire que les formations de
première année de M1 seront essentiellement consacrées à la
didactique ; la maîtrise des savoirs académiques y sera forcément
un enjeu secondaire. Ainsi, pour la première fois dans l’histoire
des concours de recrutement des enseignants du primaire, on
n’exigera plus aucune activité physique ou sportive des candidats,
mais seulement une épreuve de didactique de l’EPS. Même
Xavier Darcos n’avait pas osé le faire !

L’affaissement des connaissances disciplinaires des futurs enseignants
résultera aussi du faible nombre de disciplines au
concours. Depuis 2009, sur les 13 disciplines enseignées à l’école
primaire, les candidats étaient évalués sur 10 d’entre elles. Avec
le nouveau concours, ils ne seront évalués que sur 4 disciplines
(en épreuves d’admissibilité : français et mathématiques ; en
épreuves d’admission : EPS et une discipline au choix parmi les
sciences et technologie, histoire, géographie, histoire des arts,
arts visuels, éducation musicale, instruction civique et morale).
On peut donc craindre une réduction sérieuse des horaires de
formation dans les disciplines autres que les 3 retenues comme
"fondamentales". Cette situation est vraiment alarmante et laisse
planer de noirs présages sur la future refonte des programmes !
Le ministère de l’éducation nationale a-t-il pratiquement renoncé
à la polyvalence des maîtres du primaire ? Est-il en train d’anticiper
les effets de la réforme des rythmes scolaires qui pourrait
voir à terme les "petites disciplines" artistiques et d’autres prises
en charge par les collectivités territoriales dans le cadre des activités
périscolaires ? En tout cas, ce nouveau concours modifiera
fortement l’identité professionnelle des enseignants du primaire,
très liée jusqu’ici à la polyvalence.

Le retour de l’épreuve " Agir en fonctionnaire… " ?

L’épreuve "Agir en fonctionnaire de l’État et de façon éthique et
responsable" des concours actuels, sortie par la porte, semble
revenir par la fenêtre, en seconde partie de la première épreuve
d’admission du CRPE. Epreuve ridicule s’il en est : dans le
meilleur des cas, le jury entendra des discours sincères mais
convenus, le plus souvent, il entendra les propos que les candidats
croiront devoir tenir "pour avoir le concours". Est-ce bien
une façon de prendre l’éthique et le sens des responsabilités au
sérieux ? Cette épreuve ne sera pas demandée aux candidats au
CAPES. Le ministère de l’éducation nationale juge-t-il que leur
moralité soit a priori plus assurée que celle des candidats au CRPE ? Nous
demandons, comme en 2009, la suppression de cette épreuve indigne !

Les épreuves "professionnelles" sans élèves !

Au terme d’une année de bachotage sans stage, comment peuton
évaluer (même de manière superficielle puisque l’épreuve "ne
nécessite pas une expérience professionnelle approfondie") les compétences
professionnelles d’un candidat qui n’a jamais exercé,
jamais été en présence d’élèves, les stages en responsabilité
n’ayant lieu qu’après le concours ? C’est aussi pertinent que de
juger les qualités d’un nageur hors de l’eau ! Si l’on veut défendre
la didactique et la pédagogie, on ne peut que refuser cette
absurdité.

Que pourra raconter le candidat au jury ? Une répétition théorique
de ses cours et des stéréotypes, sans aucune réflexion sur les
pratiques pédagogiques… qu’il aura l’année suivante ! C’est un
vrai contresens ! Est-ce qu’un candidat qui aura bien répété à un
jury ce qu’on lui aura appris sera pour autant un bon enseignant
 ? Où sera la pensée personnelle ? Face à la réalité de la classe, le
bon candidat perroquet ne pourra que penser à l’incohérence des
épreuves et des enseignements de M1 ! Cette caricature de
concours achèvera la pédagogie, laissée agonisante après la réforme
catastrophique et réactionnaire de Darcos.

Au final, alors que la réforme annonçait la construction d’une
authentique formation au métier d’enseignant et l’appropriation
pratique et théorique des savoir-faire professionnels, on réussira
le tour de force de métamorphoser la didactique et la pédagogie
en choses apprises dans les livres pour les besoins d’un concours,
sans rapport avec une expérience pratique effective. Disons-le
clairement : c’est une parodie de formation pédagogique !

Une dégradation historique

Ainsi, après avoir ramené la formation initiale de trois ans (2
années de master + 1 année de stage) à deux ans (l’année de
stage se confondra avec la deuxième année de master), Peillon
revient au scénario d’avant 2009 avec un concours au milieu des
deux ans de formation initiale, mais en pire. En M2, les mémoires
de recherche seront en fait des rapports de stage, comme
avant 2009. Personne n’était satisfait de cette formation mais
Peillon s’apprête à refaire la même chose, en pire ! Pourquoi ?

On verra s’affaisser le niveau de formation académique, particulièrement
pour les futurs PE. Or, on ne peut nullement viser une
meilleure formation pédagogique si on dégrade simultanément
la formation académique. Mais, de surcroît, la formation pédagogique
ne sera pas améliorée. Autrement dit, au total on conjugue
une alarmante dégradation du niveau de maîtrise des savoirs avec
une formation pédagogique inconsistante.

Y a-t-il encore une issue ?

Le Sénat pourrait adopter les 7 amendements défendus par le
GRFDE (Groupe Reconstruire la Formation Des Enseignants) :
mettre en place, pour les lauréats d’un concours sur critères disciplinaires
situé en L3, une formation académique et pédagogique
de qualité en trois ans, en alternance progressive, sanctionnée
par un master et rémunérée, un dispositif beaucoup moins
coûteux pour les finances publiques que celui retenu par Peillon.
On peut espérer que les parlementaires seront au moins sensibles
à cet aspect budgétaire du dossier…

Cela dépend aussi des acteurs de la formation eux-mêmes : par
des votes clairs et fermes de refus de cette réforme dans les CEVU
(Conseil des études et de la vie universitaire) et CA (Conseil d’administration)
des universités et les CE (Conseil d’école) des
IUFM, ils ont le moyen d’exiger et d’obtenir que l’année transitoire
2013-2014 serve à organiser une réflexion sérieuse, sans
précipitation, sur l’ensemble du dossier pour mettre en oeuvre
une authentique reconstruction de la formation des enseignants
à la rentrée 2014.

Et c’est notre rôle aussi d’exiger une formation professionnelle,
initiale et continue, de qualité.


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