L’Histoire en 3ème : Perte de sens et bachotage au programme

vendredi 17 mai 2013

Le nouveau programme d’Histoire-Géographie de 3ème, en service depuis la rentrée 2012,
est un véritable scandale, en particulier la partie "Histoire", résultat de pressions mémorielles
et législatives. Le précédent n’était certes pas parfait, mais ce qui était pressenti dès sa présentation par les IPR l’an dernier se précise, à présent que les enseignant-es ont un peu de
recul.
 En Histoire, la période traitée reste celle qui va de 1914 à nos jours. Mais, telle que le
programme se présente, il oblige à mener l’étude de chaque thème (la première guerre
mondiale, les régimes totalitaires, la guerre froide, etc …) en quelques heures (3 ou 4),
ce qui ne permet aucune réflexion, et oblige à revenir à une pédagogie frontale.
 De plus, le nouveau DNB (brevet des collèges) oblige l’enseignant à ne faire aucune
coupe (il n’y a plus de choix de sujet) et à intégrer dans ses heures l’histoire des Arts
(coefficient 2 au DNB). D’où une pression énorme, une impression de devenir une "
machine à pondre du cours ".
 Surtout, le programme d’Histoire n’a aucune problématique, aucune vue d’ensemble,
ce qui ne permet pas de donner du sens, et notamment un sens politique, à ce qui est
étudié. Ainsi, aucune mention de la vision du monde que développe le nazisme, mais
un simple passage par l’antisémitisme et la Shoah, dans une logique uniquement compationnelle. Aucune évocation des causes de la première guerre mondiale, et notamment
de ses causes politiques. On pourrait multiplier les exemples. Les élèves perdent
donc totalement le peu de sens qu’ils pouvaient trouver à l’enseignement de l’Histoire.
Ces défauts étaient déjà ceux des programmes des précédentes classes, mais la pression
du DNB aggrave le problème. Ce programme ramène les enseignant-es aux bons temps
du " 1515, Marignan " , juste chargés de transmettre des dates, des noms et des
concepts de manière mécanique. Quant aux élèves, ils sont amenés à apprendre et réciter
par coeur sans comprendre quoi que ce soit au XXème siècle, à ses enjeux sociaux et
politiques.
Il est temps de réagir, et de refuser ce rôle de gaveur d’oies qu’on prétend nous faire jouer.

Quand un IA IPR d’histoire-géographie présente les nouveaux programmes de 3ème...
ça n’est pas triste !

Vox populi vox dei : " la première guerre mondiale s’estompe progressivement ", " c’est comme ça ! "

Au-delà du rôle officiel de conseil, les grandes messes
institutionnelles telles que les journées de présentation de
nouveaux programmes ont aussi une fonction double :
délivrer le dogme, bien que ses apôtres s’en défendent et
repérer les hétérodoxes et leur degré de rétivité. En toute
logique et en bonne intelligence, une explication claire,
synthétique, péremptoire et posée doit suffire à réincurver
la trajectoire du fautif. Et dans un certain nombre de cas
d’hérésie apparente une autre solution s’impose, d’autant
plus pratique qu’elle ne sollicite pas un second type de
personnel mais la seconde fonction de l’être double du
dispensateur, soit l’inspection. Car l’enjeu n’est pas mince
 : naturaliser ce qui est par définition l’objet d’un choix
tout en veillant à l’élévation du degré d’imprégnation visà-
vis des néo-convertis attendus. Mais il est de toute parole
comme de la foi : le degré de conviction étant fluctuant,
il s’agit avant tout de circonscrire un catéchisme minimal,
soit de définir les fondements de la foi, le cadre imprescriptible.
Réaffirmation du dogme, mises au point, refus
de toute exégèse, évaluation de catéchisme et survalorisation
de toute absence d’indépendance d’esprit. Voici les
enjeux, plus ou moins clairement posés.

De quoi le mot "programme" est-il aujourd’hui le nom ?

A l’occasion de l’un de ces moments rares, un IA-IPR
d’Histoire-Géographie, se voyant exprimer par un enseignant
les difficultés en termes de contraintes horaires à
finir d’une part le programme tout en continuant à investir
de sens l’objet enseigné, répondit très exactement :
"Une Programmation c’est un budget […]. Vous ne pouvez
pas déborder. C’est une contrainte [impérative]". Et d’expliquer
qu’il y aurait homologie entre programmation/programme
et budget familial, dès lors où dans les deux cas
un dépassement ("quand vous êtes dans le rouge")
pose un problème immédiat. Il convient en conséquence
"obligatoirement de s’y tenir. Vous ne pouvez pas déborder".
Il convient d’ "aller vite à l’essentiel, c’est ça qu’on vous
demande". A la remarque d’un enseignant demandant le
sens à retenir par un élève de la révolution russe dans les
nouveaux programmes (30 mns environs) et à celle d’un
autre concernant le bien maigre volume horaire dévolu à
la Grande guerre (3-4h), l’IA-IPR de répondre la chose
suivante, dont il convient de mesurer toute l’ampleur de
l’impensé social. Un " fait " tout d’abord : "la première
guerre mondiale s’estompe progressivement", tout comme
la mémoire de la révolution russe. "C’est comme ça". Il
apparaît(rait) donc que "ça ne correspond plus à la demande
sociale d’aujourd’hui", les élèves souhaitant avant toute
chose comprendre le monde dans lequel ils vivent aujourd’hui.
Et de faire remarquer que Pierre Mendes France
("un héros pour moi ") un temps enseigné dans les programmes
ne l’était plus ("qui le regrette ? "), tout comme
la guerre du Péloponnèse, jadis étudiée dans les moindres
détails en 6e et à peine évoquée aujourd’hui sur ce
niveau. Le devenir des deux événements évoqués semble
être fort logiquement le même. Que devrait donc retenir
un élève de la révolution russe ? "Que l’Europe fut coupée
en deux " et que la différence de richesse entre
Europe de l’est et Europe de l’ouest aujourd’hui serait une
des conséquences de cet événement. Enfin, interpellé une
fois de plus sur la superficialité de l’enseignement dispensé
et de la demande forte d’un certain nombre d’élèves de
pouvoir trouver un sens qui leur échappe, l’IA-IPR d’inviter
ses auditeurs à diriger les élèves demandeurs vers des
lectures, (" dirigez les vers le CDI "), comme Tardi pour
la Grande guerre ou la seconde guerre mondiale.

Les attendus du nouveau Diplôme national du Brevet.

Il s’agira ici d’être bref, puisque tout n’est dès lors que la
mise en forme des points évoqués ci-dessus qui prennent
dès lors sens comme redéploiement global de la discipline
vis-à-vis d’exigences nouvelles.
 Exit le " paragraphe argumenté ", pseudo dissertation il
et vrai aux exigences déjà bien faibles, qui comprenaient
néanmoins une introduction, une conclusion et un plan.
En lieu et place néanmoins une seule " question à réponse
développée " pour les trois disciplines (histoire,
Géographie, éducation civique pour laquelle il n’est attendu
aucun des trois élément précité.
 Désormais chaque question se voit être suivie d’un
cadre dans lequel l’élève se doit de répondre. Un nombre
de signes maximum est désormais de fait exigé puisque
l’élève ne peut que répondre dans cet espace réservé, ou
lorsque le paradigme twitter s’impose à l’éducation nationale.
 Le questionnement à choix multiple peut être employé
désormais, tout comme il peut être demandé à l’élève
d’ " encadrer, souligner… " des phrases ou des mots du
texte en guise de réponse, soit des tâches éminemment
complexes.

Une question s’impose donc en conclusion : les éléments
rapportés ici ne sont-ils que la simple et unique expression
d’un personnel, ou bien traduisent-ils et rapportent-ils
un regard plus largement partagé, en haut lieu ? Les
implications, cela va sans dire, seraient loin d’être les
mêmes.


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