A qui profitent les rythmes ?

vendredi 6 septembre 2013

Présentée comme une mesure phare et
indispensable par le ministre lui-même, la
réforme des rythmes scolaires - bonne idée
en soi - a fini par devenir une usine à gaz
inquiétante pour tous les intervenants de
l’école, sans que les bénéficiaires annoncés - les élèves - semblent en tirer un quelconque
bénéfice. Alors à qui profitent les
rythmes ?

Aux enfants ? Non

C’est pourtant au nom de l’intérêt des
enfants que cette réforme a été initiée, à
juste titre d’ailleurs tant la semaine de 4
jours Darcos étaient une aberration.
Pourtant au final, on ne voit pas en quoi la
journée de l’élève est allégée, encore
moins la semaine, puisque le cadre horaire
a été maintenu, ne retirant que 45
minutes par jour et ajoutant le mercredi
matin. De plus, comme les
Temps d’Activités Péri-éducatives
(TAP) sont instaurés
après la classe, la journée
garde la même amplitude.
Il suffit de regarder un
emploi du temps établi à
Brest ou Paris pour se rendre
compte que les rythmes de
vie des enfants ne sont pas à
la base de cette réforme :
aucune régularité, des journées
aussi lourdes qu’avant ;
aucune volonté nationale,
mais à chaque école son
fonctionnement ; des TAP
profondément inégalitaires,
en fonction des possibilités
des municipalités, allant de
l’offre " grand luxe " (astronomie,
théâtre, violon…) à la
simple garderie, profitant
évidemment toujours aux
mêmes catégories sociales
déjà culturellement favorisées ; la gratuité
est mise à mal, certaines communes faisant
payer les TAP.
Les enfants ne sont en rien les bénéficiaires
de cette réforme.

Aux enseignants ? Non

Les enseignants se font encore une fois
rouler dans la farine : leurs conditions de
travail se dégradent, leur temps de travail
ne baisse pas, leur salaire n’augmente pas ;
pire, Peillon leur fait l’aumône d’une
prime à moins d’un euro par jour ! L’aide
personnalisée est maintenue, sous une
forme réduite. On a le sentiment que ce
ministre n’a pas d’ambition réelle, qu’il
n’a pas le courage de diminuer le temps de
présence en classe des enseignants du primaire,
de déconnecter le temps de l’enseignant
du temps de l’élève, pour permettre
un meilleur travail en équipe et avoir plus
de maitres que de classe (encore une
revendication syndicale oubliée par cette
réforme sans ambition !).

Que va-t-il se passer pour les collègues à
temps partiels, celles et ceux (jeunes et
nombreux) qui assurent les postes "bouche-
trous" dits "décharges" ou " compléments
de service ", les remplaçants ? On
s’attend à une belle pagaille et à une grogne
de rentrée certaine.
Les enseignants, encore une fois, sont
méprisés par leur hiérarchie.

Aux municipalités ? Non

Le taux de refus des maires de France pour
passer dès cette rentrée à la semaine
Peillon (81.4%) est un indice caractéristique
du casse-tête organisationnel et
financier de cette réforme : où trouver des
animateurs compétents, où trouver le
financement, tant l’aide de l’Etat est insuffisante.
Seules les communes déjà engagées
dans de tels processus d’accompagnement
scolaire après la classe ont adhéré
avec enthousiasme, de nombreuses autres
adhérant au projet par conformisme
idéologique (solidarité gouvernementale,
diront certains).

Se lancer dans une telle organisation une
année électorale est une gageure que peu
ont voulu tenter, malgré la possibilité
d’entrer un peu plus dans les écoles et la
pseudo " manne " financière que le ministre
leur a fait miroiter.

Aux parents ? Non

Si pour la famille "lambda" (2 parents travaillant,
enfants utilisant les services de
cantine et garderie) cette nouvelle organisation
change peu les habitudes de vie, il
est à craindre que dès 2014 ou 2015 les
TAP ne soient plus gratuits. Sans compter
la rupture de l’égalité, qui favorisera les
parents aisés vivant sur des communes
riches, dont les enfants participeront à des
TAP de qualité, tandis que les enfants des
classes défavorisées, rurales et urbaines, se
contenteront de taper dans un ballon dans
la cour de récréation…. Au final, la pingrerie
de l’Etat pour financer les TAP se traduira
inéluctablement par une hausse des
impôts locaux.

A l’éducation nationale ? Non

Qu’y gagne l’institution ? Le flop retentissant
qui s’annonce va desservir le discours
réformateur du ministre (sur le départ lors
du prochain remaniement ?). Il laisse la
profession amère et méfiante, désabusée
et démotivée, renforcée dans son sentiment
d’abandon et de déclassement.

Comment l’Education nationale
espère-t-elle faire le plein aux
prochains concours dans cette
ambiance ? Personne ne comprend
pourquoi Peillon s’est
entêté dans cette réforme des
rythmes, nécessaire certes, mais
pas urgente, alors que nous
attendions tous de nouveaux
programmes, une diminution
des effectifs dans les classes, un
retour à une formation initiale
de ce nom, etc…, mesures bien
plus urgentes et nécessaires.
On a le sentiment d’une réforme
sans ambition, sans idées,
sans argent.

Mais à qui alors ?

Finalement, si personne n’est
satisfait par cette réforme minimaliste,
brouillonne et précipitée
qui n’a pas su dépasser le
cadre de la journée et de la
semaine pour s’attaquer à une
réforme des rythmes à grande échelle, en
repensant le temps des vacances par exemple,
à qui profitent les rythmes ?

A l’industrie du tourisme, qui conserve ses
précieuses vacances zonées. Aux associations
proches de l’Education, qui voit leur
place accrue dans l’école ; mais en ouvrant
la porte à des officines privées, n’a-t-on
pas aussi introduit le loup libéral dans la
bergerie du " marché de l’éducation " ?
Ainsi, pourquoi Total finance-t-il les TAP,
Total plus connu pour ses désastres écologiques
et humains (marées noires,
AZF,…), ses licenciements (raffineries) ou
sa pingrerie quand il faut payer l’impôt
(paradis fiscaux) ? Quel est l’intérêt de ces
grosses sociétés du CAC40 à entrer dans
les écoles par la petite porte des TAP ?

Un intérêt sûrement très différent que
celui que nous réclamons pour l’école :
une école pour tous, laïque, émancipatrice
et gratuite.


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