Un Traité contre les peuples : faire échec au Pacte budgétaire !

vendredi 7 septembre 2012

Le nouveau traité européen représente un véritable danger pour la démocratie et les droits sociaux en Europe. Le 1er mars 2012, 25 (sur 27) chefs d’État et de gouvernement ont signé un nouveau traité, le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union économique et monétaire (TSCG), qui devrait entrer en vigueur au début de l’année 2013.

Ce traité, dénommé « Pacte budgétaire », est présenté comme un remède à la crise par les gouvernements européens et la « Troïka » – la Commission européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI). Sa recette est simple : l’austérité généralisée en Europe.

Nous aurions vécu au-dessus de nos moyens, et, désormais, pour « rassurer les marchés », il nous faudrait consentir à des mesures « douloureuses » : fermeture d’écoles, d’hôpitaux, suppression d’allocations sociales, remise en cause du droit du travail et « modération » des salaires… Le nouveau traité comprend ainsi plusieurs outils pour contraindre durablement (et sans débat démocratique) les Etats à effectuer les réformes « nécessaires » : la « règle d’or », qui impose un quasi-équilibre budgétaire, ainsi qu’un arsenal punitif renforcé pour les pays « laxistes ». Le Pacte budgétaire dresse ainsi les contours d’une Europe technocratique qui écrase les peuples pour mieux rassurer les marchés. Le Collectif pour un audit citoyen de la dette vous propose ici une petite visite guidée des dispositifs prévus par ce nouveau traité.

Une règle d’or : l’austérité !

L’imposition de la « règle d’or » dans la législation nationale représente une des principales nouveautés du Pacte budgétaire. Celle-ci répond à une logique simple. Comme le Traité de Maastricht leur interdit d’emprunter à la Banque centrale européenne, les États en déficit doivent chaque année emprunter sur les marchés en créant de nouvelles dettes. Interdire les déficits publics serait alors un moyen simple d’empêcher qu’un Etat s’endette davantage et représenterait donc un « frein » à la dette. Cette nouvelle « règle d’équilibre budgétaire » exige que les budgets soient en équilibre ou en excédent. Il s’agit plus précisément de réduire le « déficit structurel » des États, c’est-à-dire le déficit calculé en éliminant la partie « conjoncturelle », liée à une chute de recettes lors d’une récession ou à un surcroît de recettes lors d’une année de croissance exceptionnellement forte. Un déficit structurel trop élevé serait un signe de déséquilibre durable dans les finances publiques.

Selon la Commission Européenne, c’est ce type de déséquilibre qui serait à l’origine de la crise de la dette : les Etats dépenseraient trop par rapport à ce qu’ils « gagnent ». La crise de la dette révélerait donc une sorte de faute morale que les Etats n’auraient jusque là jamais admise. Cette faute devrait donc désormais être sévèrement sanctionnée.

Le Pacte budgétaire impose ainsi aux États signataires d’engager des réformes immédiates pour réduire leur déficit structurel sous la barre de 0,5 %. Avec, pour les États en dehors des clous, des amendes significatives. A priori, il existe de nombreuses manières de réduire les déficits : augmenter les recettes, en augmentant les impôts ou encore en stimulant l’activité économique, ou réduire les dépenses, c’est-à-dire couper dans les dépenses sociales, les services publics et les effectifs et salaires de la fonction publique.

Pourtant, les recommandations de la Commission sont claires : la « meilleure » manière de réduire les déficits consiste à couper dans les dépenses sociales. Ce n’est pas seulement la Commission qui le dit : les règles, les procédures actuelles, les textes européens et le Pacte budgétaire lui-même mettent l’accent sur la réduction des dépenses, comme s’il s’agissait de la seule méthode envisageable. Le message est donc clair : pour réduire les déficits, il faut généraliser les « cures d’austérité » en Europe.

La règle de plomb de l’austérité

La méthode de calcul du déficit structurel comprend dans ses hypothèses des choix résolument politiques : les dépenses de santé ou d’éducation sont-elles des investissements dans l’avenir, ou de simples dépenses de fonctionnement à sabrer ? Les dépenses d’investissement – notamment en recherche et développement, ou bien pour financer des projets d’avenir comme la transition écologique doivent-ils être inclus dans le calcul du déficit – et donc réduits à tout prix ?

Malgré la portée de ces choix pour l’avenir de nos sociétés, ce sera la Commission, instance non élue, qui décidera des principes communs de calcul des déficits structurels. Les États devront s’aligner sur ces « bonnes pratiques », sous le contrôle de la Cour de justice européenne.

Combien ça va coûter ?

Concrètement, combien va coûter la réduction des déficits  ? Pour la France, le déficit réel était prévu à 5,7 % du PIB en 2011, pour un déficit structurel calculé à 3,8 % du PIB. En application du Pacte budgétaire, il faudrait donc réduire le déficit de 3,3 points… soit 66 milliards d’euros !

En comparaison, la réforme des retraites aurait permis de réduire les dépenses publiques à hauteur de 7 milliards en 2012 selon le projet de budget du gouvernement. Il s’agit donc approximativement d’effectuer l’équivalent d’une dizaine de réformes des retraites. Le temps dévolu aux gouvernements pour s’ajuster à l’objectif de 0,5 % n’est pas encore clairement défini dans les propositions de la Commission. Dans le volet préventif de l’actuel Pacte de stabilité, les États membres sont tenus de réduire leur déficit au rythme de 0,5 point de PIB par an… soit pour la France un rythme de 10 milliards d’euros par an !

Des dégâts économiques et sociaux considérables

Les mesures d’austérité sont à l’origine de dommages sociaux considérables. Cela n’effraie pas du tout la Commission et les gouvernements européens. Après tout, il s’agit là, ni plus ni moins, que de radicaliser les mesures de « modernisation » de l’Etat, comme en témoignent les coupes budgétaires mises en oeuvre dans le cadre des plans d’austérité appliqués depuis 2009 :
- dans les salaires et effectifs de la fonction publique
- dans la protection sociale, chômage, logement…
- dans les financements des collectivités locales
- dans les services publics
- dans les retraites, via le recul de l’âge légal [1].

Ces mesures sont fondamentalement injustes, car elles touchent en priorité les populations les plus précaires, les femmes[2], les jeunes, mais aussi les classes populaires ainsi que les classes moyennes.

Elles sont aussi absurdes économiquement. En effet, elles créent un cercle destructeur : la baisse des revenus (pertes d’allocations, hausse des prix dans les services publics) contribue à diminuer la consommation, puis l’activité. Elle accentue la récession qui va davantage peser sur les comptes publics – avec pour conséquence une augmentation du déficit public que ces mesures étaient censées résoudre. La règle de plomb de l’austérité ne freine pas l’endettement… elle l’accélère !

Les politiques d’austérité ont ainsi littéralement laminé l’économie grecque. Le nouveau plan adopté en février dernier est une étape supplémentaire : baisse de 22% du salaire minimum, ramené à 586 euros bruts sur 14 mois, suppression dans l’année de 15 000 emplois publics, nouvelles coupes dans les pensions de retraite. Loin de jeter les bases d’une sortie de crise, les prétendues « cures » imposées par la Troïka entretiennent un cercle vicieux de récession et de chômage.

C’est pourtant cette spirale destructrice de dumping social et fiscal à l’échelle de l’Europe que le Pacte budgétaire institutionnalise.

L’impossible transition sociale et écologique

Le carcan d’austérité de la « règle d’or » ne va pas seulement obliger les gouvernements à mettre en oeuvre des coupes sévères dans les dépenses sociales : il va par ailleurs priver les gouvernements de leviers économiques d’une importance considérable en période de crise. Il sera désormais impossible de mettre en place des politiques budgétaires ambitieuses et des investissements publics pour initier la transition écologique et relancer l’emploi.

Que retenir ? Plusieurs constats clairs

- Le Pacte budgétaire ne va pas sauver l’Europe, mais l’enfoncer davantage dans la crise économique, sociale, écologique et démocratique.
- Il va approfondir l’austérité généralisée, en forçant les gouvernements à respecter un programme économique absurde qui mène à la récession.
- Il est toxique pour la démocratie en imposant des mécanismes technocratiques de surveillance et de sanction des budgets nationaux.
- Le Pacte budgétaire et le MES sont à l’image de l’Europe voulue par Sarkozy, Hollande et Merkel, foulant au pied la démocratie et les peuples.
- Ils mettent en place une mécanique technocratique, antidémocratique et antisociale pour mieux sauver les intérêts des plus riches et des banques. C’est ce « sauvetage  » permanent qui entraîne les pays européens dans une surenchère de casse sociale et démocratique.

Pour la première fois de son existence, la Confédération européenne des syndicats a marqué sa désapprobation en s’opposant au nouveau traité européen. Jürgen Habermas, le grand philosophe allemand qui avait soutenu le Traité Constitutionnel Européen, estime aujourd’hui que les réformes européennes ouvrent une période de « domination post-démocratique ».

Cette rupture doit reposer sur deux principes : une politique économique alternative, une rénovation complète de la démocratie en Europe.

[1] Voir le livre blanc de la Commission européenne du 16 février 2012 Une stratégie pour des retraites adéquates sûres et viables COM(2012) 55 final. [2] Voir le rapport « Femmes et austérité » sur le site du collectif.

Retrouver l’intégralité du document du Collectif pour un audit citoyen de la dette publique sur http://www.audit-citoyen.org


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