Concours 2013 : Y a-t-il une crise de la vocation chez les professeurs ?

vendredi 6 septembre 2013

Bien loin des campagnes de publicité du ministère,
les résultats des concours 2013 montrent
la réalité : le nombre de candidats au métier
d’enseignant s’effondre. Masterisation, dévalorisation
du métier, formation fantomatique ou
inexistante, concours qui donnent le vertige :
non, le métier ne fait plus rêver.

Un nombre de candicats en chute libre

Déjà dans le courant des années 2000, le nombre
de candidats aux concours a chuté dramatiquement.
L’anglais, les lettres modernes et
classiques, les maths, matières principales de
l’enseignement secondaire, sont significativement
touchées. Non seulement le nombre
d’inscrits baisse, mais à chaque concours, l’absentéisme
des candidats augmente (jusqu’à
50% en lettres !). Pire : certains candidats
admissibles (qui ont réussi l’écrit) ne se présentent
pas à l’oral ! Étant donné que le nombre
de postes reste sensiblement le même (voire en
baisse dans certaines matières), le ratio nombre
de postulants par nombre de postes offerts a
évolué de façon très favorable pour les candidats
 : de presque 8 en 1999 à 1,5 candidat par
poste pour les maths ! Il y a parfois plus de postes
à pourvoir que de candidats admis (notamment
pour les concours internes).

À la question " Y a-t-il une crise des vocations ? ", si
l’on se base sur la simple étude des chiffres, la
réponse est clairement " oui ". Affirmer que la
profession attire toujours en masse relève de
l’optimisme maladif. Si le bilan force à l’unanimité,
il n’en va pas de même pour l’analyse et
les solutions à mettre en place.

Pourquoi une telle déperdition de candidats ?

 En premier lieu, il est évident que le métier
souffre d’une dévalorisation de son image.
Beaucoup d’étudiants abandonnent l’idée
d’enseigner aussi en raison de la crise de l’autorité.
Outre ce ressenti, confirmé par des réalités
de vie de classe et illustré par de cruels faits
divers, mais qui reste subjectif, on trouve des
causes conjoncturelles.
 La hausse du niveau d’étude à bac+5 pour
accéder aux concours a eu des effets pervers.
Beaucoup d’étudiants ont des difficultés matérielles
à accéder au master : il faut financer
deux ans d’études supplémentaires - logement
inclus, au prix prohibitif que l’on connaît dans
certaines régions. Certains renoncent donc à
leur rêve d’enseignant pour rentrer dans la vie
active par une autre porte. En outre, mettre
l’accès aux CAPES et CRPE à bac+5 place ces
concours en concurrence quasi-déloyale avec
d’autres filières professionnelles, bien plus
lucratives et motivantes pour un étudiant avec
un master en poche.
 Le contenu même du concours pose problème,
axés sur les savoirs disciplinaires et non sur
les compétences professionnelles. Les épreuves
écrites sont purement théoriques, l’oral est
centré sur l’organisation d’une leçon sur un
sujet tiré au sort par le candidat. Il se déroule
devant un jury, jamais devant une classe.

Même les productions d’élèves à analyser ont
été bannies des épreuves d’écrit du CRPE.
L’ensemble des épreuves est donc relativement
déconnecté de l’objet central de l’enseignement
 : l’élève, et avec lui la gestion de classe,
de la vie scolaire. Force est de constater qu’on
peut devenir professeur sans avoir jamais vu un
enfant ! Ainsi, on aboutit à cette situation
ubuesque où des ingénieurs ayant passé le
CAPES haut la main démissionnent après un
an d’exercice parce que le métier les rebute.

Une situation d’équilibriste

Devant la désertion des troupes, l’Éducation
nationale se cherche. Les processus de recrutement
et de formation des enseignants sont en
perpétuels renouvellement, rénovation, lifting,
tant et si bien que les personnels des rectorats
eux-mêmes s’arrachent les cheveux par touffes :
les circulaires s’entassent, le malaise reste.

À la mi-juin 2013, de braves aspirants profs ont
composé sur la partie écrite d’un concours
dont l’oral aura lieu… en juin 2014. Entre les
deux, des postes en remplacement (appelés
joliment postes berceaux) seront proposés aux
candidats admissibles, étant entendu que s’engager
sur ces postes ne veut pas dire que l’administration
voudra bien d’eux l’année suivante.

En gros, on peut réussir l’écrit du concours,
passer une année de stagiaire correcte, faire
convenablement son travail… et se retrouver
sur le carreau l’année suivante. Ils ne seront pas
les seuls en situation d’équilibriste : avec eux,
on trouve encore et toujours le vivier de professeurs
remplaçants pour qui il n’est pas possible
de réussir le CAPES (étant donné le niveau trop
élevé de l’écrit, entre autres) mais à qui les rectorats
font appel du jour au lendemain pour
remplacer les titulaires au pied levé.

Ces collègues sont très qualifiés pour boucher
des trous mais ne le sont pas assez pour faire
partir du sacro-saint corps professoral. Ils sont
aussi indispensables au fonctionnement des
écoles, collèges et lycées : sans eux, une forte
proportion de remplacements ne pourrait être
assurée. In fine, en croisant ces deux perspectives,
on ferme la porte à quantité de personnes
compétentes mais qui ne rentrent pas dans le
moule du concours de recrutement.

Un concours de nouveau en pleine mutation.

Cette année, le nouveau gouvernement
met en place un nouveau système
de recrutement et va ouvrir à la
rentrée des Écoles supérieures du professorat
et de l’éducation (ESPE). Le
concours 2014 vivra donc une session
et s’éteindra aussi vite, essuyant les
plâtres de la nouveauté, pour rien. La
version 2015 sera la mouture nouvelle,
à laquelle on aimerait confier tant
d’espérance et dont on ne sait pas
grand-chose, naturellement, au point
qu’il est impossible d’en discuter.
La création des ESPE devrait permettre
aux étudiants d’atteindre le niveau
requis (passer de bac+3 à bac+5) tout
en étant formés aux techniques pédagogiques.

Souhaitons-leur bon courage.
Et restons vigilants.


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