"Enseigner est un métier qui s’apprend !", répétait le candidat Hollande. La mise en place des ESPE (écoles supérieures du professorat et de l’éducation) pour la formation initiale est
pour le moins décevante : intégration aux universités, régionalisation des formations, concours en milieu de formation, stagiaires peu ou pas rémunérés… Tout semble calculé à l’économie de bouts de crayons. Il en est de même pour la formation continue.

Le numérique, encore et toujours

C’est la seule et unique réponse ministérielle pour la formation continue : le numérique ! Finis les stages de formation continue, de une à plusieurs semaines. Voici les plates-formes
créées par le ministère. Chacun pourra se former depuis chez soi, via son ordinateur personnel et une connexion internet.

Ce qui sous-entend que tous les enseignants se doivent d’avoir et la machine et la connexion avec un débit adéquat. A leurs frais. Et qu’ils sont tous capables de se débrouiller avec une
souris, ce qui est loin d’être sûr ! Pour d’autres, au contraire, la formation par internet est déjà une réalité de leur travail quotidien : plates-formes d’échanges, blogs,… n’ont plus de
secret. Une vraie fracture numérique en somme, et pas forcément générationnelle !

Plein les yeux…

Mais ça fait moderne, le virtuel ! Et pour faire encore plus moderne, il suffit de coller un bel @ au milieu du nom de la plate-forme, c’est à tomber par terre ! m@gistère, néopass@ction, accessibles depuis eduscol, le " portail des professionnels de l’éducation ". On imagine aisément le budget webdesigner englouti ! La propagande ministérielle parle de collaboration, d’échanges et de liens avec le terrain, avec des formateurs réels. En réalité, la formation continue des enseignants est en train de devenir virtuelle. Ainsi, dès cette année, les 18 heures de formation pédagogique obligatoires du premier degré sont scindées en deux : 9 heures se feront devant ordinateur. Avec quel moyen de contrôler si la formation
a bien été suivie ? Des mouchards sur les sites ? Et pourquoi pas sur les bureaux virtuels des directeurs pour vérifier à quel moment ils effectuent leurs taches administratives ?

… pour toujours plus d’économies et de déshumanisation…

Ne soyons pas dupes du discours pseudo-moderniste du ministère : si la formation continue par internet se développe si vite, c’est qu’elle permet de faire de grosses économies. Plus
besoin de payer les formateurs, les programmes de formation, plus besoin surtout de payer le remplacement des profs qui partent en stage de formation, voilà un bon moyen de réduire
le nombre de remplaçants !

Mais notre métier est l’exact contraire de ce bidule internet : nous interagissons à longueur de temps avec de l’humain : élèves, collègues, parents… Notre formation continue doit rester
humaine ! Nous ne voulons pas d’une formation à la Big Brother. Evidemment la formation continue que nous connaissons n’est pas toujours à la hauteur et nous avons tous
baillé un jour en écoutant ronronner un conseiller pédagogique bien au chaud derrière son video-projecteur saturé de powerpoint. Mais il y a aussi des formations dont on repart
plus intelligent et motivé, ne serait-ce que par les échanges que l’on a pu avoir avec les collègues.

… alors qu’ailleurs...
Une vraie formation continue est un gage de qualité pour l’enseignement, comme l’ont compris de nombreux pays. A Singapour, chaque enseignant bénéficie de 100 heures de formation professionnelle par an. En Finlande, les formations portent sur le développement personnel, l’aide aux nouveaux enseignants, le travail de groupe et les échanges, le bien-être
au travail… En Norvège, Corée du Sud, Pologne, on a mis en place des mesures incitatives : les enseignants qui participent aux formations continues obtiennent des augmentations de
salaire ou passent automatiquement un échelon. En France, on aura peut-être un tapis de souris avec le logo du ministère… ou de Total !

C’est pourquoi nous disons " Non à une formation télécran lowcost " mais " Oui à une formation initiale et continue de qualité ! "