Secteur associatif : la “stratégie du chaos”

vendredi 31 janvier 2014

Après les coups de boutoir des années Sarkozy, le mandat Hollande est bien parti pour devenir celui du coup de grâce pour le secteur associatif comme le démontre l’excellent
article publié sur Bastamag.net le 18 novembre. 30000 à 40000 emplois sont voués à disparaître en 2014 sur les 1,8 millions que comprend ce secteur. En première ligne, la politique de l’Etat qui concentre ses moyens vers les grosses structures de service. Et au niveau des Collectivités locales, la baisse des budgets ne permet plus de soutenir les associations.

Des éducateurs à Pôle Emploi

Le département du Loiret a annoncé cet été l’arrêt du financement de la prévention spécialisée, dont l’enveloppe représentait 80% du budget des deux associations à l’œuvre.
Il n’y aura donc plus d’éducateurs de rue à la rencontre des adolescents dès le 1er janvier, tandis qu’une cinquantaine d’entre eux iront grossir les effectifs de Pôle Emploi. Il en va de même en Seine-Maritime où le nombre d’emplois d’éducateurs passera de 140 à 74, pendant que les subventions passeront de 6,8 millions à 3,5 millions d’euros. En Isère, le Planning Familial fait aussi les frais de ces restrictions ( moins 980 000 euros) avec plus de la moitié de
ses centres privés de moyens.

Un plan social invisible

Décidées nationalement, les coupes budgétaires s’étalent jusqu’aux collectivités locales. Selon la ministre des Sports, de la Jeunesse, de l’Education Populaire et de la Vie Associative, Valérie Fourneyron, le secteur associatif avait déjà perdu 11000 emplois. La priorité à la réduction des dépenses publiques conduit les collectivités à se centrer sur
leurs compétences obligatoires et à restructurer discrètement sous l’angle purement économique. Le plan social massif n’existera pas, mais on lui substitue une multitude
de licenciements épars pour un résultat similaire. Main gauche sociale et main droite économique de l’Etat s’éloignent plus que jamais, alors que celui-ci transfère aux comptes sociaux la mise au chômage d’un nombre de salariés tel que le déficit public se creusera mécaniquement. Où est la logique ?

Le modèle de l’appel d’offre

Il faut chercher un sens à ces pratiques ailleurs que dans le redressement des comptes publics. Dès juin 2008, un rapport préconisant de "rompre avec la culture de la subvention"
et suggérant de "laisser la place à un système de commandes publiques" avait été remis à l’ancienne ministre Roselyne Bachelot. Et en janvier 2010, une circulaire Fillon affirmait que l’activité des associations devait être considérée comme des activités économiques et entrer dans le champ concurrentiel. Dans la droite ligne de la modernisation de l’Etat inspirée des modèles de gestion du privé, on somme le secteur associatif de se soumettre au diktat de
la performance chiffrable et du "lean management"*. Des quasi-entreprises à but social adossées à de grands groupes privés qui les font gagner en performance, s’imposent
et le modèle concurrentiel des appels d’offre leur fait la part belle. Ainsi, la Fédération Léo Lagrange et ses 8000 salariés, ses 150 millions de Chiffre d’Affaires, ses 13% de
croissance en 2012 et son président Bruno Leroux, aussi député PS et président du groupe PS à l’Assemblée, fait figure de modèle à atteindre.

De l’Economie Sociale au Social Business

Les structures les plus importantes et les plus institutionnalisées disposent des faveurs de l’Etat. Sur 1,2 milliards d’euros de subventions directes aux associations, 2/3 sont allées à 342 structures sur les 21119 répertoriées, et 3,5% des associations subventionnées concentrent les 3/4 des appuis publics. Administrées par des gestionnaires professionnalisés
et non plus par des dirigeants issus du métier ou de l’association elle-même, elles aspirent à réaliser des économies d’échelle et épluchent les appels d’offre publics à grand renfort de marketing. Du coup, les critères de sélection des financeurs sont de moins en moins adaptés aux petites structures issues de liens inter-habitants ou de dynamiques culturelles. La plupart
des responsables s’accordent à penser que le fait d’opposer des objectifs quantitatifs au travail de proximité remet en question la vocation du projet associatif dans son ensemble. Ainsi, certains Centres Sociaux privés de moyens d’agir perdent le suivi socio-professionnel d’allocataires du RSA (comme le Centre d’Accueil Goutte d’Or Paris 18ème, qui les suivait depuis 1996). Et en même temps, 42% des financements vont aux organisations
para-publiques comme les fondations politiques, les grandes Institutions culturelles, des centres de formation, des établissements d’enseignement supérieur ou encore… la
cantine du ministère des Finances sous le bureau du ministre qui est associative et qui partage avec le Comité des Oeuvres Sociales du ministère 67 millions d’euros d’aides !

La destruction du projet associatif

La loi de 1901 définit une association comme une convention par laquelle plusieurs personnes mettent en commun leurs connaissances et leurs savoir-faires sans recherche de
bénéfices. Désormais, des compagnies de théâtre, des centres de formation professionnelle, des crèches parentales, des maisons de retraite ou des aides à domicile vont être
incluses dans des champs concurrentiels avec de véritables entreprises. Celles-ci investissent ces " marchés ", attirées par l’aubaine du régime fiscal dérogatoire des organismes non-lucratifs qui les dispensent d’une bonne part de prélèvements quel que soit leur budget. Dès l’instant où la vocation de la démarche devient quantitative, le rapport aux financeurs devient commercial, et les relations de confiance sont en perdition. Un travail
d’insertion positif est un parcours de longue haleine, qui s’appuie sur la proximité et l’accompagnement quotidien avec leurs incertitudes. Là où l’oeil managérial est aveugle,
ce sont les contingences de l’intervention sociale et l’opiniâtreté des professionnels et des milliers de bénévoles qui les accompagnent.

Intelligence collective ou plan business, éducation populaire ou management, la cécité sociale du duo Hollande-Ayrault fait son oeuvre. Il appartient aux citoyens de ne pas faire le deuil de la création du social.

(*) Le lean management est un système d’organisation du travail qui cherche « à mettre à contribution l’ensemble des acteurs afin d’éliminer les gaspillages qui réduisent l’efficacité et la performance d’une entreprise. »


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