Dans son édition du 5 juin dernier, Le Monde fait connaître les conclusions de
l’enquête de deux économistes étatsuniens sur le lien entre ordinateur personnel
et réussite scolaire des enfants. R.Fairlie et J. Robinson montrent que le
fait d’être équipé d’un ordinateur n’augmente en rien cette réussite. Après avoir
suivi la distribution d’ordinateurs à plus d’un millier d’élèves scolarisés en
Californie, pendant qu’un autre groupe aux caractéristiques sociales identiques
mais aux foyers non connectés et étudiant "normalement". Il apparait qu’au
bout de deux années, pas une note n’a bougé ni à la hausse ni à la baisse chez
les premiers. La différence positive de temps passé sur l’ordinateur pour un
usage scolaire n’influe pas sur les performances de ceux qui ont été équipés,
tandis que le temps d’utilisation pour jouer et communiquer a été considérable.

En France, un constat concordant a été fait en mai dernier par les Inspecteurs
Généraux dans le département des Landes où le plan "Un collégien, un
ordinateur portable" a été mis en place. Un usage ludique élevé en a été fait par un
grand nombre d’élèves même si le travail imposé par les enseignants l’a limité.

Frénésie générale

Sauf à considérer que le jeu est un moyen d’éducation à part entière, ces
expériences n’incitent donc pas à encourager ces usages dans le cadre scolaire. Et
pourtant, la frénésie générale en matière d’équipement des écoles impressionne :
les établissements états-uniens y ont déjà consacrés 5 milliards de dollars, les
britanniques 226 millions d’euros, et en France les contribuables des Landes ont
laissé dans l’opération 52 millions d’euros depuis 2001 et il est prévu que ceux
du Val-de-Marne y consacrent 25 millions d’ici trois ans (projet lancé depuis la rentrée 2012).

Objectif d’efficacité ?

L’écart colossal entre ces allocations de ressources et leur efficacité pédagogique
véritable invite à la réflexion. Sur ce plan, le Bureau national américain d’économie
qui a accompagné le travail des chercheurs met en garde : " L’Etat doit
faire preuve de prudence et être réaliste quant à l’efficacité des politiques visant à
réduire l’écart digital entre les familles défavorisées et les autres".
On ne saurait mieux dire, si un objectif d’efficacité a bel et bien été atteint, c’est
sur les parts de marché des fournisseurs et prestataires de matériel et de services.
Mais compter sur le miracle technologique et économique pour remédier à
un fléau systémique tel que l’inégalité des chances scolaires paraît bel et bien
utopique et dérisoire.