Rapport de l’Inspection Générale sur la réforme du primaire Toujours plus d’audace… dans le démantèlement de l’enseignement primaire !

mardi 27 octobre 2009

En juillet dernier, l’Inspection Générale de l’Education Nationale (IGEN) remettait au Ministre sa troisième note de synthèse sur la mise en œuvre de la réforme de l’enseignement primaire. L’IGEN tire un bilan « largement positif » de cette année « exceptionnelle » de démantèlement de l’Ecole Primaire.

Vers la semaine de 4 jours et demi, avec école le mercredi

L’IGEN reconnait que la généralisation de la semaine de 4 jours, alourdie par les deux heures hebdomadaires d’aide personnalisée, ne s’avère pas satisfaisante : la fatigue des élèves et des enseignants, la diminution du temps de concertation entre enseignants sont évoquées.

Prenant appui sur les positions de la FCPE, le rapport milite pour généralisation de la semaine de 5 jours avec mercredi travaillé. Dans les faits, le passage aux 4 jours a fait reculer le nombre d’écoles travaillant le mercredi (3% des écoles cette année).

Aide personnalisée, PPRE, RASED, stages de remise à niveau : l’hypocrisie de la lutte contre l’échec scolaire

Bien que les progrès soient difficiles à mesurer, la mise en place de l’aide personnalisée s’avère un grand « succès », d’après le rapport de l’IGEN.

Les « récalcitrants » sont pointés du doigt, les vilains désobéisseurs stigmatisés, réduits à une poignée. Quand on sait l’ampleur de la contestation parmi les enseignants du premier degré, on constate aussi l’ampleur de la propagande dans le discours. L’IGEN ignorait alors que les retraits de salaires pour refus d’application des 60 h sous forme d’aide personnalisée allaient tous être annulés par la justice administrative.

Le constat étant fait que « la prise en charge des élèves en grande difficulté ne peut être résolue uniquement par l’aide personnalisée », la disparition des RASED n’est pourtant aucunement remise en question. Celle-ci est d’ailleurs qualifiée de simple « réorganisation des RASED De plus, les enseignants des RASED désormais en charge d’une classe « ne jouent pas encore, auprès de leurs collègues non spécialisés, le rôle de conseil attendu d’eux. » Les ingrats !

Il ne semble pas évident à l’IGEN que la prise en compte des difficultés des élèves ne pourra se faire avec une augmentation constante des effectifs de classe.

Si aucune conclusion ne peut encore être tirée sur les effets de l’AP sur le parcours des élèves, l’IG en tire déjà pour le service des enseignants, en remettant en cause le temps de préparation inclus dans les 60 heures : « La mission avait recommandé de supprimer, après cette première année de mise en place, le temps accordé pour l’organisation, sauf pour les directeurs d’école. Ce temps peut en effet être pris sur le temps de concertation institutionnel. »

Evaluations nationales : “Ici, la tour de contrôle” ... Ou comment les élèves deviendront de la main d’oeuvre facilement exploitable. C’est la consécration de la culture du résultat et de la performance :

“On peut donc penser que les évaluations nationales acclimatent la culture de l’évaluation.” ; “La culture de l’évaluation et le pilotage par la performance progressent.” ; “Dans quelques départements, il est question de demander aux écoles des objectifs chiffrés d’amélioration des résultats”

Aucune remise en cause n’est faite de la difficulté des évaluations, ni du codage binaire de la notation : « Le dispositif doit donc s’inscrire dans la durée, (...) dans un cadre stabilisé sur la même architecture, le même principe de codage et le même calendrier.. »

Un changement de cap radical dans la pédagogie

Sorties scolaires et interventions extérieures à proscrire !

Il est recommandé de réduire les sorties scolaires et les interventions extérieures, jugées comme des « pertes de temps » et sources de « déconcentration » pour les élèves ! Alors qu’au contraire, sorties et interventions extérieures s’inscrivent en général dans un projet pédagogique motivant, donnant sens aux apprentissages, et permettant aux élèves de faire du lien. On est donc dans une vision totalement différente, et rétrograde de la façon d’enseigner.

« Dans l’immédiat, il est indispensable de lutter contre les habitudes de grignotage du temps installées avec les sorties scolaires et les interventions extérieures, qui déconcentrent les élèves et qui font perdre beaucoup de temps sur les apprentissages, en prenant des mesures de restriction des empiètements tolérés, et parfois encouragés, sur le temps scolaire, en revoyant et limitant les agréments et autorisations.”

De la même manière, les échanges de service et les décloisonnements sont perçus comme des éléments positifs, alors qu’en cloisonnant ainsi les disciplines, ils ont une incidence énorme sur la façon d’enseigner, réduisant les possibilités de travailler par projets pluridisciplinaires.

Au contraire, on est dans la réduction de l’enseignement à une somme de petites compétences, à travailler de façon systématique et abétissante : nouveaux programmes, aide personnalisée, stages de remise à niveau pendant les vacances, accompagnement éducatif, tout le dispositif de la nouvelle réforme tend à saucissonner les apprentissages.

En outre, la dimension sociale, essentielle dans le processus d’apprentissage, de même que la coopération, est ici totalement occultée. On est bien dans une logique de service individualisé, qui place les élèves et leurs parents dans une posture de consommateurs.

Vers un renforcement du contrôle hiérarchique par le biais de l’individuation des carrières…

“Toutes les réformes mises en place cette année comportent par elles-mêmes de profondes modifications dans la définition du service des enseignants et des avancées impensables il y a peu, telles que l’individualisation du service, la différenciation des activités du service obligatoire, la possibilité de faire des heures supplémentaires pour le compte de l’Etat”. La messe est dite.

... et de la généralisation des nominations sur profil :

“Le succès des réformes a apaisé les tensions et permet d’envisager de progresser dans la modernisation de la gestion des enseignants sur deux points en particulier, celui du suivi des services et celui de l’individualisation de l’affectation. ” (augmentation des postes à profil, communication personnalisée des résultats du mouvement, entretiens individuels, ...)

Comme dans le secteur privé, en gérant le personnel de manière individuelle, on le divise et on l’affaiblit. Vive la modernisation de l’enseignement primaire !

Un discours de combat contre les récalcitrants…

“Les cadres ont montré un engagement exceptionnel pour tenir tous les fronts des réformes”

“Les relations entre les cadres, surtout les IEN et leurs collaborateurs, et les enseignants se sont multipliées cette année. Il a fallu beaucoup de réunions de directeurs d’école et de visites dans les écoles pour expliquer les réformes, pour persuader les sceptiques, pour contrer les opposants. La relation hiérarchique s’est renforcée tout autant que la relation personnelle et individualisée.”

... et les syndicats :

“L’hostilité de principe des représentants du personnel à ces réformes dans le domaine de la gestion, comme aux réformes dans le domaine de l’enseignement et de l’évaluation, a produit beaucoup de désinformation et de méfiance, ce qui au final affaiblit leur position car ils n’ont pas été suivis par les enseignants. Les groupes de travail et les commissions paritaires se sont réunis normalement.”

Organisation de l’enseignement primaire

Vers un statut hiérarchique des directeurs …

Pour imposer les réformes, les IEN, pourtant « loyaux et convaincus », ne peuvent pas tout faire en raison de la multiplication des tâches. La solution proposée consiste à déconcentrer cela au niveau des écoles, en renforçant le pouvoir des directeurs.

“Or la position du directeur en coordonnateur de ses pairs n’est pas toujours facile. Aux conflits habituels sur la constitution des classes et sur la répartition des services s’ajoutent désormais les divergences sur le positionnement horaire de l’aide personnalisée, sur le maintien des intervenants extérieurs dans le temps scolaire.” Or cela relève de la souveraineté du conseil des maîtres !

…et la mise en place des EPEP (établissements publics d‘enseignement primaire)

“La création de l’établissement public d’enseignement primaire (EPEP) donnerait aux inspecteurs un relais au sein de l’école sur les questions d’organisation et d’administration et elle leur permettrait de retrouver du temps pour le pilotage pédagogique et l’encadrement personnalisé des enseignants [...] ce qui libérerait du temps pour les inspections !”

Voici donc un rapport sur lequel le Ministère ne manquera pas de s’appuyer pour poursuivre son entreprise de refondation libérale de l’enseignement primaire.


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